27 février 2014

L’approche jungienne, c’est quoi ?


Ceux qui ne connaissent pas encore Jung et son oeuvre me demandent souvent : qu’est-ce-que ça veut dire  « jungienne » ? Pour eux, j’ai préparé un petit résumé que voici et qui sera consultable sur la page d'accueil de mon blog. Etant moi même thérapeute jungienne, cela m’est facile d’en parler.

L’approche jungienne, associée au nom de C.G. Jung qui en est le bâtisseur, désigne un procédé de traitement thérapeutique individuel qui doit mener - mais en laissant agir beaucoup la nature et l’alchimie de la rencontre thérapeute/patient -  à un développement harmonieux de la personnalité. 

Cette approche est liée à la psychanalyse par le fait qu’elle se fonde sur l’existence d’un inconscient. Le plus connu est l’inconscient personnel freudien. A cet inconscient personnel, Jung a ajouté la sphère de l’inconscient collectif, socle commun à tous et régi par des images constantes.

Cette approche est liée à la psychanalyse par le fait qu’elle apporte aussi de grands bienfaits aux personnes en analyse, comme pratique de parole qui aide à se déterminer librement. 

Dans l’approche analytique jungienne, les symptômes, les troubles désagréables, parfois la maladie, traduisent une désunion active à l’intérieur de la personne ; désunion appelée aussi névrose, qu’il s’agira de traiter principalement par l’analyse des rêves. Car le rêve peut considérablement éclairer la situation des personnes en souffrance ou en difficulté, voire dans certain cas, favoriser le processus de guérison.

La méthode analytique jungienne n’est pas centrée comme dans la psychanalyse freudienne sur la sexualité infantile, mais pour autant, elle ne l’exclut pas. Le thérapeute jungien porte davantage son attention sur la totalité de la personnalité, et en particulier sur celle qui se trouve entrain de devenir.

L’approche jungienne prend aussi et surtout en considération le problème des facteurs irrationnels de la personnalité humaine ainsi que l’action créatrice et progressive des forces spirituelles.      

L’orientation jungienne du soin est également cette démarche qui consiste à analyser pas à pas la partie de la personnalité qui n’a pas encore existé ou qui est restée faible : cette mise en lumière s’avère salutaire car elle peut mettre en route un processus de transformation capable de briser par exemple la spirale des répétitions, de traiter certaines conduites de dépendance, les troubles obsessionnels désagréables et tout mal-être en général.

Enfin, par le caractère particulier de la relation analytique et la qualité d’être du thérapeute jungien, relié à la psyché humaine dans son entier,  les forces d’autoguérison des patients se trouvent grandement aidées et favorisées dans l’approche dite jungienne.


01 février 2014

Mais de quelle égalité vient-on nous parler ?



Le grand tapage médiatique  et populaire qui entoure la sortie de la loi de l’ABC de l’égalité garçons-filles, hommes femmes dans les écoles, et qui a déchaîné des débats houleux, met en relief, me semble-t-il,  la grave crise d’identité et de sens qui secoue notre grand corps social malade.

Je ne souhaite surtout pas critiquer l’initiative fort louable que vise à apporter cette loi en matière de prévention des comportements et des violences sexistes en milieu scolaire.

En réalité, c’est le tapage ambiant et l’irruption des peurs irrationnelles autour de cette loi que je souhaite analyser dans cet écrit.

Je remarque tout d’abord que le message émis par ceux qui nous gouvernent diffère fortement de celui qui est reçu par nos concitoyens.  Le contexte de crise matérielle et identitaire qui caractérise notre société compte pour beaucoup, je pense et produit ce que nous observons massivement : des gens désireux en réalité d’entendre davantage parler des solutions concrètes que le gouvernement compte apporter à leurs vrais problèmes. Et se demandent implicitement : est-ce que l’égalité des sexes va nous rendre notre identité perdue provoquée par la fin du patriarcat. La mort d’un système qui fut le garant de nos valeurs sécurisantes et structurantes érigées à grand renfort de forces éducatives et autoritaires.

De plus, concrètement  les besoins actuels d’égalité qui viennent spontanément  à l’esprit, ce ne sont pas ceux sur l’égalité hommes femmes,  mais plutôt ceux qui portent sur l’égalité des chances, l’égalité des droits, des salaires, ou encore l’égalité de la répartition des tâches ménagères à la maison. 

Le chemin vers l’égalité restant à parcourir se situe plutôt dans ce registre là, chez nous en tout cas.  Je ne parle pas des besoins qui existent dans les pays sous développés, frappés en ce qui les concerne, par de très grosses inégalités, hommes- femmes, mais aussi de ressources qu’il faudrait arriver à corriger.

Donc on ne voit pas très bien comment l’égalité hommes femmes viendrait corriger les inégalités concrètes du terrain chez nous. Comment par exemple, la souffrance qui pèse de tout son poids sur les épaules des personnes les plus fragilisées s’atténuerait-elle en égalisant les sexes (l’inné) et les genres (l’acquis). 

Le développement d’une culture de la solidarité serait bien plus utile pour ces personnes qu’une culture de l’égalité des sexes.

Toutefois, il ne faut pas manquer de souligner, je crois, que cette controverse fort animée peut permettre de faire une importante prise de conscience. Ce grand débat devrait notamment nous éveiller à la dimension normative du féminin et du masculin. Nous pouvons devenir plus nombreux à saisir, comme l’écrit Irène Théry[1], ce que veut dire habituellement être une femme ou une homme « être un homme ou une femme n’est pas saisissable autrement que comme un ensemble de manières d’agir au masculin, ou au féminin, prescrites par les usages et les coutumes, les normes religieuses ou les règles juridiques ». 
Avant de bien se connaître, il faut entendre, on est un homme ou bien une femme en fonction de ce qui est attendu de nous. Et lorsque, certaines nécessités intérieures l’imposent, nécessités que je ne peux pas développer ici, je pense, qu’il n’y pas de mal à découper quelques barreaux  de notre belle prison dorée. Encore que, il faut savoir ce que l’on va mettre à la place. D’où l’inquiétude des antis égalité des sexes, qui redoutent et imaginent le pire des scénarios – la promotion de l’homosexualité ou l’incitation à changer de sexe - si l’on n’oblige plus un enfant à vivre en fonction de son sexe biologique. 

Les antis égalité du genre seraient bien avisés pour calmer leur peur de voir l'excellent film autobiographique de Guillaume Gallienne « Guillaume et les garçons, à table ! ».

Ce film autobiographique qui vient tout juste de recevoir plusieurs Césars raconte comment un garçon très efféminé, et élevé comme une fille, finit néanmoins par tomber amoureux d’une fille.  Son histoire vient nous dire que c’est souvent  l’expérience et le bon moment  qui finissent par nous placer sur le chemin du développement individuel propre à soi, celui qui tient compte du sens propre à soi et qui invite au devenir et non plus au subir. Un devenir qui inclut toujours l’intégration d’un élément resté inconscient, et qui est bien souvent celui que l’environnement  à permis le moins de se développer. 

Chez Guillaume, un jour sa part masculine consciente, puisque c’est un homme, lui est apparue très clairement. Pour tout un tas de raisons, intérieures et extérieures,  qui seraient trop longues à détailler, les deux proportions ou deux puissances psychiques, soit le pôle féminin et le pôle masculin cohabitent dans la psyché  rarement pacifiquement. Jung faisait très justement remarquer : « Chaque individu n’est pas entièrement mâle ou femelle. Chacun d’eux est fait d’un composé des deux éléments qui sont bien souvent en conflit constant dans la psyché ».

Oui, je m'éloigne beaucoup du message reçu par ceux qui nous gouvernent. Mais, en attendant que les choses s’éclairent davantage dans nos chaumières personnelles, nous devrions voir surgir de plus en plus des symboles de l’Un, ou de l’hermaphrodite[2] qui véhiculent l’idée d’une union entre des contraires, ici le féminin et le masculin.  Des symboles pour compenser peut-être le vide identitaire qu’est entrain de laisser la disparition du patriarcat. 

Et surtout tant que de nouvelles réponses adaptatives humaines (nous l’espérons !) n’auront pas été trouvées et stabilisés pour permettre à notre corps social de plus en plus privé du modèle patriarcal de continuer à fonctionner correctement.

Un des symboles collectifs qui représente depuis la nuit des temps l’union du féminin et du masculin est  celui du yin et du yang[3] bien sûr. Et il me semble que ce que fait inconsciemment porter à notre attention le courant socialiste qui nous gouverne, en prônant l’image idéale d’une société Une et indifférenciée,  balayée de toute différenciation sexuelle, le message perçu nous évoque la confusion initiale dit le chaos, ou cet état encore dit d'« unitude » androgyne (l'ouroboros). Devrait lui succéder ensuite la nigredo ou « l’œuvre au noir » de l'alchimie. 

Que de chemin à parcourir encore pour notre grand corps social !



[1] - La distinction de sexe, une nouvelle approche de l’égalité, d’ Irène Théry -
[2] Pour plus d’explication sur le symbolisme de l’hermaphrodite, sur sa dimension de coïncidence des contraires correspondant à une exigence naturelle de réalisation de soi du psychisme humain, lire l’ouvrage de JUNG, Psychologie et Alchimie ou encore vous rendre sur le site d’Ariaga.
[3] Le grand cercle du yin et du yang, dit le Tao étant un symbole du soi jungien.