05 mai 2014

Les possibilités de métamorphose de la libido


La libido, forte intensité instinctive indistincte, impossible à caser dans une fonction, peut venir occuper un domaine ou une activité instinctive variée mais ne peut y rester bloquée. Car ses possibilités de renouvellement sont perpétuelles et marquées par une haute intensité. Ce trait essentiel distingue la libido transformable des instincts classiques. C’est pourquoi Jung parle, toujours à propos de la libido transformable, d’excèdent de libido. Et utilise dans son livre, l’Energétique psychique, la métaphore éclairante de la chute d’eau. 

Les fonctions instinctives organisées et fixes ressemblent aux chutes d’eau qui dévalent la pente naturelle, en suivant ainsi leur propre loi. Mais quand la chute d’eau est trop forte, (l’excédent de libido susceptible de se déplacer-transformer), la conduite des sections (les instincts) devient alors trop faible. L’eau déborde.  Seule, une usine transformatrice (le symbole machine à transformer la libido) peut offrir une dérivation favorable à l’eau en excédent. 

Dans la nature psychique l’intensité de cette libido transformable donne lieu, par exemple, à la naissance d’idées religieuses inexplicables, ou de fantaisies imaginaires Et prouve dans un sens,  que la libido peut passer d’une forme à une autre grâce au symbole.

Jung cite comme exemple de déplacement de la libido par le symbole, la cérémonie du clan australien  des Watschandies. Ce rite primitif lui sert à montrer comment le symbole peut faire passer la libido vers une forme d’activité autre moins primitive.  

« Les Watschandies, comme l’écrit Jung, exécutent au printemps un sortilège fécondateur ; ils creusent dans le sol un trou fait et entouré de buissons de manière à imiter un sexe féminin. Autour de ce trou, ils dansent toute la nuit tenant leurs lances devant eux, dressées comme pour rappeler un pénis en érection. Ils dansent autour de ce trou dans lequel ils frappent avec leurs lances en même temps qu’ils crient. De telles danses obscènes ont lieu aussi dans d’autres clans ».

Cet acte rituel ne montre pas, comme tendrait à le supposer les conceptions de Freud, un remplacement de l’acte sexuel. Il montre un changement de forme dans l’utilisation de la libido sexuelle. Il existe, certes une analogie évidente entre la fonction sexuelle et le creusement de la terre, mais comme le dit Jung, ce n’est pas parce qu’il existe une analogie avec la sexualité que l’énergie en question découle nécessairement de la vie sexuelle.

Le rite utilise en fait l’idée invariable du héorogamos sexuel (le mariage sacré), qui est un modèle général très utilisé dans de nombreux rites. La production du feu par le creusement de la terre, comme le souligne Jung dans son livre,  « les Métamophoses » dérive sans doute aussi du modèle du hiérogamos sexuel. Car dans le creusement du feu, l'union de deux êtres humains est remplacées par  deux simulacres : soit deux morceaux de bois. L’activité change mais pas le modèle général.

Dans le rite australien, la création de symbole, c’est le trou qui vient en remplacement du sexe de la femme. L’acte sexuel et son objet réel, le sexe de la femme sont remplacés  grâce à un objet symbolique (le trou) par un acte utile (le labourage de la terre).

Au final, le but du cérémonial n’est nullement sexuel mais magique. Car en simulant le hiérogamos avec la terre, cela permettait de libérer beaucoup d’énergie libre, autrement dit des forces émotionnelles puissantes qui aux yeux du clan opéreraient sur la production des cultures un effet favorable magique.  Jung résume le but de ce cérémonial ainsi « Ils tentaient ainsi de récupérer l’effet magique du hiérogamos sexuel, la partie magique de la libido pour obtenir une bonne moisson ».