25 janvier 2015

Présent et avenir en 2015



L’ouvrage « Présent et avenir » contient en condensé la pensée sociale et politique de Jung. Ecrit vers la fin de sa vie, Jung nous livre une analyse psychologique de la difficulté à concilier l’individuel et le collectif d’où il en résulterait les préoccupations d’ordre morales et religieuses qui touchent le monde moderne. 

Comme réponse à ces difficultés concrètes, Jung propose la voie de l’individuation.

"Le problème d’arriération morale dont est frappé l’humanité" que Jung examinait déjà à son époque semble causalement similaire à la notre. Ce qui change c’est seulement sa forme. Les évènements tragiques de début janvier me paraissent reprendre la même défaillance, c’est-à-dire le même déséquilibre, la même méconnaissance de l’âme individuelle. Une rengaine que je vais tenter en quelques lignes de sruter à la lueur de la lumière qu’allume l’ouvrage de Jung.

Ce qui revient
Une fois de plus, le projet humaniste, issue de l’ère des lumières visant  à civiliser l’homme et cimenter le vivre ensemble grâce aux certitudes laïques, scientifiques, progressistes, critiques et raisonnables ne tient plus, ne rayonne plus et vient d’être entayer profondément (l’assassinat de l’équipe de Charlie Hebdo). Avec les attentats meurtriers de début janvier, l’idéal occidental a reçu à nouveau un sacré coup dur et s’affiche encore impuissant à juguler le fanatisme religieux, la barbarie, l’arrièration morale. 

Déjà lorsque Jung écrivait son Présent et avenir, après l’épouvante des deux guerres mondiales et de la Soah, la volonté civilisatrice des nations occidentales avait gravement failli à cette tâche.

Pourquoi le monde occidentale malgré tous les beaux idéaux qu’il prône et défend ardemment échoue t-il à apporter paix et bonheur aux hommes ?  Les formes et modèles d’organisation suivis, hier le communisme, aujourd’hui le capitalisme, pour ne citer qu’eux, conduisent au pire en voulant faire le bien (les inégalités par exemple pour le capitalisme). 

Trop d'extériorisation
L’extérieur, le monde, les idéaux, les autres, ne peuvent pas tout apporter à l’homme ;  les gens en deviennent de plus en plus conscients. Mais beaucoup de chemin reste à faire encore Car il reste toujours plus de personnes qui cherchent à se mettre en conformité avec le monde extérieur et ses objets, à démontrer leur adhésion à la pensée régnante ou bien à son contraire, à obtenir du monde extérieur du bonheur ou à espérer de lui qu’il endosse la responsabilité de leurs malheurs.

Or force est d’admettre que les vaines extériorités barrent la route à l’expérience intérieure immédiate. Elles empêchent de rendre conscient l’homme de son âme propre. Le seul endroit où il peut espérer trouver le changement et se sentir en paix, tout cela en se mettant en conformité avec lui-même.

Pour en revenir à notre problème d’arriération morale dont est frappée l’humanité, l’homme à force de stagner dans de vaines extériorités, semble passer à côté du seul facteur décisif occasionnant toujours le retour de la barbarie : la réalité de la vie psychique complexe de l’homme.

Tout est psychique
L’homme résiste à admettre ce qui pour lui, n’est que du vent ou que de l’irrationnel : le psychique. Pourtant  tout pour ainsi dire dépend de la psyché humaine et de ses fonctions et personne ne peut nier que "sans la psyché le monde n’existerait pas, en tout cas le monde des hommes". 

"La psyché devrait donc nous sembler digne de la plus haute attention, en particulier à notre époque où tout l’avenir, ses bonheurs et ses malheurs, dépend non de la menace exercée par les animaux sauvages, les catastrophes de la nature ou le danger d’épidémies universelles, mais uniquement des mouvements psychiques des hommes. Il suffit d’une perturbation dans l’équilibre de quelques-unes de ces têtes qui mènent le monde pour le plonger dans le sang.

Les trois jihadistes français des derniers attentas parisiens offrent un exemple de ce qui peut arriver, quand une tête privée de certaines fonctions psychiques essentielles intérieures au sujet ne sont plus contenues et contrôlées par rien. De l’état psychique de certaine personne, (contagions ou infections psychiques) dépend le monde, voire la fin du monde et non le contraire, mais il est toujours plus facile d’incriminer des objets extérieurs.  L’Islam[1], l’Etat, les circonstances sociales et politiques, l’éducation défaillante.

La responsabilité revient encore à la tendance excessive à extérioriser. "L’homme d’aujourd’hui colle encore tellement à l’objet extérieur qu’il rend ce dernier exclusivement responsable comme si c’était des objets que dépendent les décisions ».

Cette tendance à extérioriser provient sans doute d’une trop grande méconnaissance (ou peur de la connaissance[2] ) de la psychologie de l’homme.

L’homme est un microcosme
Lorsqu’on extériorise moins, on perçoit soudain que le monde ne sert pas à apporter par exemple du bonheur ou moins de barbarie, on comprend plutôt que c’est la psyché humaine qui produit le monde et ce que l’on n’y trouve. 

Suivant la notion qui avait cours au moyen âge, "l’homme est un microcosme pour ainsi dire une image en réduction du grand cosmos". L’observation du monde sert alors à nous renseigner sur l’état psychique de l’homme. Les dissociations observables dans le monde : savoir-croyance, laïcité et religion reproduisent les mêmes conflits qui s’observent dans les névroses individuelles. 

La barbarie, sorte de retour du refoulé, continuera d’exister tant que l’on ne traitera pas par exemple de l’existence réelle de l’ombre présente à l’intérieur de l’homme. 

Les valeurs laïques et républicaines, aussi belles et indispensables qu’elles soient notamment pour la construction de la conscience du moi, ne représentent-elles pas peu de poids face au déchainement émotionnel, froid et violent des fous de Dieu ? 

La pensée des lumières ne s’est-elle pas constituée par l’expulsion de l’irrationnel et de la croyance religieuse ?  On a tendance à oublier que les facteurs expulsés contenues dans l’esprit humain, sont aussi porteurs de vie, de forces, et représentent donc des fonctions, c’est à dire des énergies archétypiques  (de la libido) qui attendent d’être transformées. Transformées grâce aux symboles. La foi chrétienne en contient de très nombreux susceptibles de pouvoir nous éclairer sur la voie de la transformation individuelle. Mais hélas, la religion chrétienne repose, dans l’esprit des gens, principalement sur un système de croyance et non sur une expérience intérieure personnelle (la fonction religieuse). 

La nuisance de la masse    
Pour Jung, l’influence collective, la puissance de l’Etat, la masse organisée[3]  qu’elles viennent de l’Etat ou des religions institutionalisées sont nuisibles[4] pour l’homme car elles plombent et retardent la croissance de l’individu, la croissance de l’intégration justement des tendances psychiques inconscientes latentes.  L’homme est avant tout cet être unique “porteur de vie.” L’influence collective empêche la realisation de l’homme lui même, par ce qu’elle “comporte de tendances au nivellement et de finalité matérialiste”. De plus l’adhésion de l’homme à la masse implique nécessairement l’engagement de sa fonction religieuse, mais sans que ce dernier en soit conscient. Ce qui complique sérieusement les choses.

Pour pouvoir s’en sortir, pour pouvoir réconcilier l’individuel et le collectif, le passage par  l’homme intérieur devient incontournable. Ce lieu où l’immédiateté intime vécue est possible. Experience intime et personnelle en presence d’un autre, et qui constitue l’être individuel dans et par une relation à dieu, c’est à dire une relation avec les energies archétypqiues en lui (la libido). Car s’unir c’est se dissoudre, et pour que cela n’arrive pas en présence du monde extérieur, il faut pouvoir disposer d’une individualité indivisible, le soi,  comprenant un moi affermi uni à la psyche naturelle, autonome et objective. En d’autres mots, cela revient à suivre la voie de la psychologie des profondeurs menant à l’individuation.



[1] Le fantisme nest pas né avec les réligions, et notamment l’Islam. Que l’on pense aux sacrifices humains antiques, aux conversions forcées...
[2] Je fais référence à la découverte des demons intérieurs
[3] La mondialisation d’aujourd’hui traduit très bien les masses et leur puissance écrasante pour l’individualité.
[4] La masse n’est pas le social dont l’enfant a tant besoin pour se construire. 

20 janvier 2015

L’individuation toujours présente


En raison, des évènements tragiques de janvier, j’ai ressenti l’envie et le besoin de me replonger dans la lecture de l’ouvrage de Jung « Présent et Avenir » ;  je relis également quelques passages du célèbre « Malaise dans la civilisation » de Freud.  

Un billet qui résume mon ressenti et mes réflexions en rapport avec notre présent et avenir actuels, sera publié très prochainement. En attendant, voici un petit bout, portant sur le processus d’individuation et notre présent, posté aussi ce jour sur ma page facebook (Individuation et bien vieillir)  

Le processus d’individuation, qui prend demeure dans l’homme dés sa naissance, et qui  est normalement activé après la quarantaine se reconnaît à l’intérieur par la poussée d’une impulsion irrépressible et irraisonnée  et à l’extérieur par un chemin long et ardu semé de situations (familiales, conjugales, professionnelles, sociales..) pénibles, douloureuses, déstabilisantes ; rajoutons incompréhensibles bien souvent car issue de l’inconscient. Cet imbroglio se démêle fort heureusement progressivement. 

Mais c’est quoi l’inconscient, et pourquoi est-ce un processus très complexe à identifier ? Ecoutons les explications lumineuses esquissées en peu de mot par Jung dans ‘Présent et Avenir" :

"Dans notre monde actuel, la conscience se sent perdue, désorienée. Cela provient en premier lieu de ce que l’homme a perdu le contact avec ses instincts, phénomène qui est dû au développement de l’esprit humain au cours des derniers âges de l’ère que nous vivons. Plus l’homme s’est emparé de la nature, et plus l’admiration qu’il ressentait pour son propre savoir et pouvoir lui est montée à la tête et plus s’est approfondi son mépris pour tout ce qui n’était que naturel et occasionnel, c’est à dire pour les données irrationnelles de la vie, dans lesquelles il faut inclure la psyché autonome, objective, qui est précisément tout ce qui est en marge du conscient. Car à l’opposé du subjectivisme du conscient, l’inconscient est objectif, dans la mesure où il se manifeste principalement sous forme de sentiments irrépressibles, de fantasmes, d’émotions, d’impulsions et de rêves qui ont tous ensemble le trait commun de ne pas être ‘fabriqués » intentionnellement par l’individu, mais dont ce dernier a le sentiment objectif qu’il s’empare de lui, qu’ils lui "tombent" dessus".