31 mars 2006

Où en est la psychologie ?

François Gérard, Psyché et AmourÀ l'origine la psychologie est la connaissance de l'âme. Dans "psychologie" nous entendons bien le mot psyché qui en grec veut dire âme. Dans la mythologie grecque Psyché désignait une jeune princesse immensément belle qui après avoir rencontré l'amour (l'Eros) connut mille tourments et mille épreuves. A la fin du mythe, Zeus l'élève au rang de déesse immortelle.
Les philosophes ont fait de psyché un symbole de l'âme, "principe de vie et de spiritualité qui anime les humains et les être vivants"
En langage moderne, le mot psyché sert à désigner le psychisme, ou l'esprit.
Par exemple pour le père de la psychologie américaine, William James, la psychologie est "la science de l'esprit", ou la connaissance du psychisme, par contraste avec les "sciences de la matière" comme le sont la physique, la chimie etc.

Curieusement, de nos jours, le vocable âme a totalement disparu des ouvrages connus traitant de la science du psychisme. Le mot âme renvoie, certes, à un concept fort mystérieux ; l'âme étant quelque chose de difficile à saisir, mais précisément, dès lors que l'on s'intéresse au psychisme humain ne devrions-nous pas nous attendre à être confronté à l'énigme mystérieuse de l'âme ?
Dans les laboratoires de recherches en psychologie, les explorateurs de la psyché continuent pourtant à rester sourds à ce discours puisque tout leur travail porte très strictement sur l'étude des activités et conduites humaines observables ainsi que sur les processus mentaux qui les sous-tendent éventuellement.

À l'évidence, les chercheurs académiques tournent leur regard vers ce qui rassure, c'est-à-dire vers du contenu connu, vers de l'explicable, vers des faits démontrables. Ainsi qu'aimait à le souligner Jung, le monde scientifique souffre du très ancien misonéisme c'est-à-dire de la peur de ce qui est nouveau et inconnu.

La Psychologie moderne est-elle la science de l'homme ?
Dès lors, une question s'impose à nous ; comment la psychologie et ces nombreux domaines disciplinaires peuvent-ils à eux seuls répondre à la question cruciale qui justifie tous ses efforts à savoir : qu'est-ce que l'homme ?
Est-ce qu'une discipline débarrassée de l'énigme de l'âme peut véritablement apporter une réponse complète à cette question ?
Est-ce que le recours principalement à la construction de modèles et de théories pertinents et "qui marchent" garantie que nous sommes bien entrain de décrire l'identité réelle du sujet humain ?
Personnellement, c'est la première question qui m'est venue lorsque j'ai démarré mes cours de psychologie. Comment la psychologie peut-elle atteindre son but alors même que tout le mystérieux et l'énigmatique du psychisme humain semblent oubliés ?

Eh bien la psychologie contemporaine répond par l'affirmative et nous démontre même tous les jours que cela est possible, sauf qu'elle oublie la plupart du temps de mentionner que les réponses apportées et accumulées concernent essentiellement l'homme normalisé, ou idéologisé." Autrement dit la psychologie participe à la construction d'une image de l'homme qui est caractéristique d'une société donnée et d'un moment donné de l'histoire de cette société" - Voir l'ouvrage : Introduction à la psychologie – Histoires et Méthodes – Françoise Parot et Marc Richelle – (Puf 1992). Sous cet éclairage, on peut raisonnablement penser que la psychologie parvient à répondre à la question que nous nous posons en délaissant la profondeur au profit de la normalité sociale.

D'un autre côté, comment lui en tenir rigueur, puisque tout est fait – au moment de dresser, par exemple, le plan d'expérience - pour que ne soit rendu observable seul l'aspect visible des objets vivants étudiés ?

Soyons clairs, je ne rejette nullement au rang des accessoires périmés les travaux que réalise la psychologie traditionnelle, disons simplement que les modèles froids et cartésiens que propose la psychologie académique ne me paraissent pas constituer une voie d'explication suffisante au fonctionnement du psychisme humain. Les approches actuelles me semblent trop parcellaires. Et cela malgré le pluralisme de vues qui tend à se généraliser depuis que la psychologie est entrée dans l'enceinte bien gardée du domaine scientifique. Il manque à mes yeux, tout du moins dans les textes – la pratique étant un cas à part que je traiterai un peu plus loin - les interrogations sur la nature de l'âme qui furent présentes depuis que l'homme existe, et qui continueront indéfiniment, je pense, à resurgir du fond du temps.

De plus une attitude de rejet serait vraiment malvenue, car nous savons tous que pour chaque objet étudié, dans un premier temps, la collecte minutieuse des faits observés s'avère indispensable. Dans un second temps clarifier et classer les données et les savoirs, les nommer, leur donner une forme conceptuelle, les insérer dans un cadre théorique entraînent l'esprit à se structurer lui-même, ainsi qu'à structurer le monde qui nous est mis devant les yeux.
Ce travail sert également à maintenir éloigné de soi le désordre et le chaos qui s'installeraient si jamais la pensée n'exerçait plus son rôle d'ordonnatrice des idées.

Il nous faut également relativiser nos craintes à l'égard de l'état actuel des recherches en psychologie, compte tenu du fait que tout travail scientifique consiste à poser des hypothèses vérifiables provisoirement. En effet les recherches scientifiques fixent pour un temps seulement les connaissances ; à savoir par exemple que si l'hypothèse posée n'est pas corroborée par des observations, ou dès qu'une théorie n'est plus valable on en change aussitôt. Dans le cas contraire, si l'observation corrobore bien l'hypothèse, jamais on ne pourra parler de preuve définitive. Il est maintenant admis que "la science n'a pas à dire des vérités, elle n'a qu'à énoncer des lois qui marchent".
Cela étant, et puisque la science sait qu'elle ne détient pas la vérité absolue, prions - mieux, œuvrons, pour que les chances de voir un jour l'étude de l'âme prise au sérieux par le milieu scientifique ne soient pas nulles. Il me semble justement que C.G. Jung a profondément travaillé pour faire rentrer la connaissance de l'âme dans le domaine scientifique. Voici ce qu'écrivit Etienne Perrot à ce propos : " Jung n'est pas seulement un psychiatre rival de Freud ou son continuateur. Il est avant tout le témoin d'une réalisation intérieure dont sa méthode psychologique et son œuvre sont les fruits. Cette aventure fait rentrer dans le domaine scientifique l'antique quête du Graal et l'audacieuse descente aux enfers de Faust".

La psychologie comme science de la pensée
Etant donné la complexité de l'objet propre à la psychologie, il n'est pas étonnant de constater que celle-ci ne cesse de s'enrichir de nouveaux cadres théoriques. Elle bénéficie d'un éclectisme qui favorise même grandement la confrontation critique, ce qui somme toute, présente l'avantage de couper court à tout risque d'endoctrinement et de sectarisme.

Comme toute grande discipline scientifique, la psychologie s'est subdivisée en différents domaines spécialisés. Par ailleurs, bien que la discipline présente des contours assez bien définis, et un titre reconnu par la loi, elle est loin, très loin de pouvoir offrir une base théorique commune. On devine, certes, assez facilement que son domaine d'exploration privilégié est la pensée. Ou comme on dit en langage moderne "la cognition". En conséquence de quoi, la psychologie, à se jour, n'est pas la science de l'âme, que nous pensions qu'elle deviendrait, vu son passé philosophique que nous évoquerons dans un autre billet, mais elle est la science de la pensée.
L'avenir ouvert et libérateur de la psychologie réside sans doute dans la réunion ou synthèse des deux, mais encore faut-il venir enrichir la branche psychologique de l'âme par des matériaux cohérents, fédérateurs et validés par des personnes disposant des connaissances et des moyens nécessaires. Je considère, Jung, comme étant le précurseur et fondateur de la branche âme de la psychologie. Nous verrons aussi que la psychologie clinique (parente pauvre de l'université) opère également des investigations dans cette même direction mais semble manquer quelque peu d'autonomie tout du moins dans les textes. (Je veux dire par là que l'on ressent dans le corps de son savoir encore beaucoup le poids des théories et des modèles dominants)

Un domaine riche mais éclaté
Si, d'aventure, vous vous décidiez en néophyte à brosser un panorama des domaines et des sous domaines disciplinaires de la psychologie, je suis certaine que vous vous sentiriez vite perdu voire découragé par les ramifications nombreuses et variées qu'il vous faudra débrouiller. C'est pourquoi je vous propose, ci-dessous, le visuel de la carte descriptive présentée par Alain Lieury, professeur en psychologie de l'université de Rennes-I qui rend beaucoup plus claire et représentable le grand continent de recherches en psychologie ; un continent de recherches, je rajouterais simplement, qui délaisse, hélas, un peu trop le thème de la quête du sens et du centre en l'homme.

Que nous montre le visuel ?

domaine de la psychologie


Les différents champs d'étude et d'application de la psychologie semblent s'ordonner autour de deux grands axes :

- L'axe normal/pathologique
- L'axe biologique/social

Au nord de la carte est placé la catégorie "normal" ; elle concerne l'étude des mécanismes généraux communs à tous les être vivants : comme la perception, la mémoire, le langage, l'intelligence. Un grand nombre de ces thèmes se trouvent réunis autour de la branche appelée, la psychologie générale.

Entre la catégorie normal et biologique, on trouve le secteur fondamental de la psychologie de l'enfant qui a notamment donné lieu à une œuvre monumentale - celle de Lev. S. Vygotsky et de Jean Piaget pour ne citer qu'eux.
À l'intersection entre le normal et le biologique se tient également la psychologie de laboratoire dite la psychologie animale ; très proche d'elle se trouve l'étude du comportement animal en milieu naturel que l'on nomme l'éthologie et qui comptabilise la célèbre étude sur les oies cendrées qui fut proposées par Konrad Lorenz...

Au Sud de la carte, s'inscrit le pathologique. Il concerne les maladies et les troubles psychologiques. La psychopathologie étant la branche la plus forte de la psychologie ; elle plonge ses racines dans la tradition psychiatrique.
Classée dans le pathologique, l'on trouve également la présence de la psychologie clinique qui représente surtout une profession. Et c'est précisément à l'intérieur de cette zone que sont classées les psychothérapies de forme très variée et dont la demande est en constante augmentation.
Je traiterai du cas à part que constitue la psychanalyse situé également dans cette zone, dans le prochain billet.
Quant à la psychologie de la santé, elle constitue un nouveau domaine qui réunit médecins et psychologues.

Au pôle Est de la carte s'étend tout le biologique que recouvre l'immense domaine des neurosciences. Ce sont les sciences du cerveau qui tente d'expliquer le comportement animal et humain par l'étude et l'analyse des centres cérébraux et de leurs mécanismes physiologiques et physico-chimiques. Le succès croissant que rencontre cette branche s'explique en partie par le fait que généralement, en matière d'étude de l'homme, on considère comme vraiment scientifique les seules approches "biologisés". Autrement dit les thèses étayées par les substrats biologiques paraissent toujours plus fiables et crédibles. Pour moi, cette attitude relève d'une croyance issue du patrimoine des idéologies régnantes occidentales...
Enfin toujours dans la zone Est, on trouve la pharmacologie, sous-discipline des neurosciences dont l'essor serait lié à la découverte des neurotransmetteurs.

À l'Ouest est placé le social.
Les conduites humaines possèdent bien évidemment une base sociale ; le groupe est nécessaire à la vie de l'homme. Alain Lieury précise que presque toutes les psychologies comportent une dimension sociale : la perception, la personnalité, le langage, l'intelligence, l'identité etc.

Et enfin, à l'intersection du social et du normal, ce sont développés plusieurs secteurs intermédiaires parmi lesquels se font le plus remarquer : la psychologie du travail et sa sous branche l'ergonomie ; on compte également au rang des plus remarqués la psychologie de l'éducation dont les travaux sur la lecture, l'apprentissage, la mémoire et la perception visuelle, sont en plein essor.

La pratique : un cas à part
La situation de la psychologie n'est pas la même, selon que l'on regarde le domaine professionnelle ou le domaine de l'enseignement et de la recherche. En effet, sur le terrain on constate des organisations professionnelles qui travaillent avec efficacité et coordination, toujours à la pointe des innovations les plus récentes en matière de pratiques, toujours soucieuses d'écouter et de soigner "l'âme" des patients, lesquels sont de plus en plus nombreux à consulter. Par contre, le champ scientifique apparaît lui beaucoup plus écartelé et inquiet de préserver son automatie et sa spécificité tant dans le domaine des outils théoriques que méthodologiques. Il se pourrait bien – selon les prévisions faites par Annick Weil-barais dans un article paru dans le hors Série Sciences Humaines, n° 19 - que la psychologie abandonne un jour son autonomie scientifique pour devenir "une discipline-outil" voire "prestataire de service" plus adaptée, toujours est-il, aux disciplines mieux instituées. Il est important de réaliser une chose essentielle ; les pères fondateurs de la psychologie scientifiques qui ont trouvé à l'origine leur modèle du côté des sciences physiques sont loin de faire l'unanimité. Les psychologues de terrain préfèrent, eux de loin, piocher en priorité dans les paradigmes qui répondront le mieux aux demandes psychologiques qui se présentent à eux.

L'évolution de la demande psychologique sur le terrain a permis à la psychologie d'étendre son champ d'investigation. Les nouveaux problèmes nés à la suite des changements profonds survenus dans notre société comme – la fragilisation des liens sociaux (du mariage au contrat de travail), le mal être plus grands dans nos sociétés, la crise du milieu de vie qui tend désormais à se prolonger durant l'âge adulte- ont conduit le champ professionnel de la psychologie à donner encore plus d'essor aux méthodes de développement personnel ainsi qu'aux psychothérapies centrées sur l'accomplissement de soi. (lire Sciences Humaines n° 167).

On reproche souvent à la psychologie de ne pas être une discipline suffisamment unifiée. Mais ne peut-on pas trouver à l' étendue vaste et variée des domaines couverts par la psychologie une raison suffisante d'exister, dans le fait qu'elle peut ainsi satisfaire pleinement aux exigences d'adaptation que réclame la demande psychologique sur le terrain ?

Reste que par delà l'avis des mécontents, je me demande si ce n'est pas le développement croissant de la psychologie comme champ professionnel qui emmènera inévitablement, un jour, la discipline à prendre en compte de manière un peu plus systématique la réalité de la psyché dite l'âme, et non pas seulement la pensée. Car c'est dans les rencontres humaines réelles que l'on est poussé à s'interroger sur les mystères de la psyché inconsciente et du processus de la conscience qui naît toujours d'elle. Je développerai bien sûr, toutes ces notions dans les prochains billets. Sur la psyché inconsciente, nous savons déjà depuis Jung, qu'elle fait partie de la nature, et que son énigme est nécessairement dépourvue de limite. Elle est hautement complexe, imprévisible, toujours unique, elle poursuit toujours un but difficile à saisir, et son plus haut développement conduit au Soi.

De fait, comment peut-on modéliser, ou faire rentrer dans une seule théorie, à l'image, si vous voulez, de l'Univers et ses étoiles qu'explorent nos astrophysiciens, du mystérieux, de l'infini, de l'invisible...

A par cela, ce qui a été dit au dessus, explique en partie pourquoi le décalage de discours perçu entre le champ professionnel de la psychologie qui se pratique sur le terrain, et le champ scientifique de la psychologie qui se pense dans les laboratoires n'est pas prêt de disparaître !

À suivre…


Dans le prochain billet, je traiterai du cas à part de la psychanalyse, suivi de l'histoire des idées psychologiques, puis de celle de l'inconscient.




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03 mars 2006

Pourquoi s'intéresser à la vie de l'Inconscient ?

Ce premier billet aborde les présupposés de base permettant de comprendre la vie de l'inconscient sous l'angle de vue amené par Carl Gustav Jung. En sorte que les prochains billets ou dossiers qui suivront et que je posterai sur ce blog assigneront une place princière à l'œuvre de Carl Gustav Jung. Il est, semble-t-il, l'un des rares savants à avoir su montrer avec évidence et même avec une rigueur scientifique toute particulière, combien l'activité religieuse et l'activité psychique dans l'homme se situaient sur la même ligne. On sait de plus que l'ensemble de son travail qui a consisté surtout à mettre en lumière les processus intérieurs dans l'homme reposait essentiellement sur des observations libres et concrètes. Et bien qu'on l'ait traité injustement, je pense, de mystique, ses écrits n'ont jamais pris l'allure d'une quelconque profession de foi, non plus d'affirmations métaphysiques et ni même d'énoncés dogmatiques. Toute son œuvre mobilise chez le lecteur, certes, beaucoup le cœur mais sans jamais y plaquer ni leurre, ni illusion. Ingrédients, hélas, systématiques ou que l'on est habitué à retrouver dès lors que la question religieuse est envisagée.
Je perçois personnellement son travail comme une œuvre de vérité toute intérieure et toute entière qui se dévoile, se déroule et se dit dans une très grande clarté de langage et justesse de vue.

Pour ma part, par exemple, l'émotion toujours présente et vive que j'aime à retrouver dans chacun de ses livres m'apporte toujours une grande joie au cœur ainsi qu'un sentiment heureux et toujours renouvelé de reconnaissance et résonance intérieure supérieure à tout ce que j'ai déjà pu ressentir. Une des raisons et non des moindres à cela est que cet auteur a largement contribué à me faire prendre très au sérieux l'existence en moi-même d'une réalité intérieure "palpable" si je puis dire, dotées quoiqu'il en soit de ses codes, alertes, et tourments terrestres parfois aussi.


Examinons un instant et en guise de mise en bouche le problème religieux qu'il m'intéressera d'aborder dans mes petits billets que je distillerai au fil du temps dans ce lieu.

Alberto Martini - le paradis -Il y a, disons-le clairement, un lien évident entre ce que l'on nomme dieu, le monde des cieux ou de l'au-delà, et l'inconscient. Partant, cela suggère que le monde d'en haut n'exclut pas le monde d'en bas. Pour celles et ceux qui ont lus un tant soit peu la psychanalyse freudienne, il est plus facile de souscrire à cette idée. Sachant que pour Freud l'inconscient représente résolument le réservoir de la vase noire humaine. Par contre pour les freudiens qui ont intégré et retenu tout particulièrement la dialectique freudienne du ça et du Surmoi, et notamment qui ont projeté tout leur idéal sur l'existence d'un monde d'en haut seulement meilleur auront beaucoup plus de mal à admettre ladite proposition.
À vrai dire, et sans rentrer volontairement trop dans les détails pour l'instant, ni l'une ni l'autre de ses deux conceptions ne me semblent fausses, je les trouve, prises isolément, tout simplement incomplètes...
À mes yeux, une comparaison entre le monde de l'au-delà et l'inconscient existe bien ; je conçois cette proposition comme juste car je considère les représentations du monde de l'au-delà comme étant une des figurations possibles du monde de l'inconscient, ou l'inconscient lui-même.

Mais alors, si le monde de l'au-delà en lui-même n'existe pas vraiment si ce n'est seulement en soi, qu'est-ce que l'inconscient ? L'inconscient selon moi, et ainsi il en va de l'inconscient jungien, représente toutes les données de la vie qu'il ne nous est pas encore donné de connaître , soit parce qu'elles demeurent encore inaccessibles à notre état de conscience soit parce qu'elles ne parviennent pas à accéder directement à la conscience pour tout un tas de raisons que je détaillerai plus tard. Par contre, l'inconscient n'est jamais entièrement opaque puisque nous pouvons en connaître plein de petits bouts grâce à la production de symboles, symptômes, rêves, fantaisies…Les symboles religieux par exemple révèlent ou sont le reflet de nombreuses portions dominantes de l'espace psychique des individus. À ce titre, il est intéressant de noter que l'homme primitif s'est mis très tôt à manifester le besoin d'exprimer des croyances et des pratiques religieuses - autrement dit de projeter au dehors de lui des portions puissantes de sa psyché - alors même que l'acquisition de la pensée consciente n'existait point encore chez lui.
Si l'inconscient traite des données ou facteurs de la vie non encore connus - à bien distinguer du "tu" - le connu lui demeure concentré dans la personnalité consciente ou le moi. Evidemment une masse importante des objets connaissables par la pensée dirigée reste susceptible d'être découverte par le moi. Mais, il s'agit dans ce cas précis de connaissance intellectuelle et non pas de connaissance immédiate et intuitive qui relève, elle, de la manifestation de l'inconscient. Par ces explications on est donc conduit à mieux comprendre pourquoi l'intuition n'a pas vraiment les coudées franches dans l'univers du moi. En fait, notre capacité intuitive fonctionne bien mieux lorsque nous permettons à notre inconscient d'exister, non pas à notre insu mais avec discernement et abandon.
Ecoutons cette phrase de Jung qui résume parfaitement cet aspect de l'inconscient : "l'inconscient c'est la nature qui ne trompe jamais ; nous seuls nous nous trompons".


En d'autres termes cela revient à dire que la connaissance réside à l'intérieur de soi et qu'elle peut se mettre à couler librement à condition de posséder un robinet en trés bon état.
Le robinet intact, c'est uniquement une très grande confiance en soi-même qui peut nous l' apporter. La tâche est rude en effet, car aussi, avant de pouvoir laisser s'exprimer librement ce que "l'on sait déjà", on doit se débarrasser des vieilles peaux mortes du passé qui encombrent beaucoup le passage à une connaissance véritablement vivante en soi.
Sans ce "nettoyage" des vieilles peaux, se mettre à faire confiance à ce que l'on ressent, aux mouvements - surtout lorsqu'ils sont incessants - du cœur, ne résout rien. On peut toujours, me direz-vous, suivre - et c'est l'option choisie par bon nombre d'individus - la voie de la raison qui permet d'éviter pas mal d'écueils, il est vrai.
D'un autre côté, il est vrai aussi que plus nous repousserons cette connaissance intérieure en gestation, plus nous serons névrosés et malades donc. C'est pourquoi, seule la confrontation avec son inconscient permettra de résoudre ces différents conflits.

Il n'y a pas que des contenus morts dans l'inconscient
. Ce constat découlant d'observations extrêmement empiriques se trouve un peu partout répandu dans l'œuvre de Jung. Le pouvoir de la vie opère dans l'inconscient ; tout semble avoir été prévu de même que nous avons l'habitude de dire que la nature a tout prévu.
Il y a quelque chose à l'intérieur de l'homme qui est prévu pour nous faire aller vers notre libération et réalisation ou individuation. Se ressentir heureux et en harmonie avec son soi et le grand soi de l'univers, n'est-pas cela aussi le bonheur ? Jung a fait trés sérieusement l'inventaire des forces qui dorment dans les profondeurs de l'inconscient . Je pense à la pulsion de guérison par exemple. Tout traitement psychothérapeutique qui se respecte devrait emmener précisément chaque patient à trouver à l'intérieur de lui-même cette pulsion salvatrice.
Jouons ainsi donc au vrai Jeu de la vie, et non pas au jeu du chat et de la souris avec la vie. Grâce en partie au grand tout vivant auquel nous appartenons, grâce aussi à la réaffirmation incessante du vouloir-vivre de l'espèce, comme l'a indiqué Schopenhauer, une existence équilibrée et accomplie est possible.
Le vouloir-vivre-mieux réside dans l'inconscient : car en fait c'est quand l'homme n'est pas suffisamment conscient que tout va mal. Voilà pourquoi il est fort important de s'intéresser à l'inconscient !


Pour terminer enfin ce premier billet, voici un extrait* du très répandu et néanmoins moins connu épicurisme qui place en réalité la jouissance et le plaisir de l'homme dans l'absence de trouble dans l'âme, et l'exercice permanent du discernement. Je pense que cette posture de vie s'acquiert beaucoup plus vite au moyen de l'élargissement du regard que procure l'inconscient :

"Partant, quand nous disons que le plaisir est le but de la vie, il ne s'agit des plaisirs déréglés ni des jouissances luxurieuses ainsi que le prétendent ceux qui ne nous connaissent pas, nous comprennent mal ou s'opposent à nous. Par plaisir, c'est bien l'absence de douleur dans le corps et de trouble dans l'âme qu'il faut entendre. Car la vie de plaisir ne se trouve pas dans d'incessants banquets et fêtes, ni dans la fréquentation de jeunes garçons et de femmes, ni dans la saveur des poissons et autres plats qui ornent les tables magnifiques, elle est dans un raisonnement vigilant qui s'interroge sur les raisons d'un choix ou d'un refus, délaissant l'opinion qui avant tout fait le désordre de l'âme"(*Extrait de Lettre à Ménécée, d'Epicure, traduction de Pierre Pénisson, Hatier "Classique Hatier de la philosophie"1999)


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