Je signale enfin, la sortie récente (fév 2015) de la traduction en français du séminaire de psychologie analytique tenu par Jung en 1925. En 1925, Jung s’est séparé de Freud depuis longtemps (1912) et vient de terminer "sa magistrale étude des Types psychologiques" ; il n’a pas découvert encore les traités alchimiques qui vont lui permettre de comprendre bien des choses...
Comme l’indique Michel Cazenave, "dans ce séminaire, Jung parle avec simplicité de son
équation personnelle – non pas de sa vie en tant que telle, mais de son
orientation, de la formation de ses idées sur la psychologie, c’est- à- dire
son orientation subjective. Il parle pour la première fois de son type
psychologique. Il commence sa présentation en disant qu’il a l’intention de "survoler" "l’étendue du champ" de la psychologie analytique, et esquisse la
genèse de ses conceptions personnelles en remontant à l’époque où il était
préoccupé par les problèmes posés par l’inconscient".
Bien plus qu’une introduction, ce livre présente véritablement l’origine et les fondements de son oeuvre expérimentale et artistique. "Ce séminaire peut être considéré comme une présentation expérimentale de la psychologie analysique à la première personne avec son propre "cas clinique" comme exemple le plus clair de ses théroies. Dans ces cours par exemple, il explique comment il a compris plus tard que dans Métamorphoses et symboles de la libido, c’était sa propre fonction imaginative qu’il avait analysée", fait remarquer très justement Sonu Shamdasani.
Voici un long extrait du 10ème cours, que j’ai choisi de citer pour son caractère très explicite sur le processus particulier de connaissance à l’oeuvre dans l’analyse jungienne.
"Mais quand nous devenons conscients des opposés, quelque
chose nous pousse à chercher la manière de les concilier, car il nous est
impossible de vivre dans un monde qui est et qui n’est pas ; il nous faut
avancer vers la création d’un troisième terme qui surpasse les couples
d’opposés. Peut- être pourrions- nous adopter le Tao et l’Atman comme des
solutions pour nous- mêmes, mais uniquement à la condition que ces termes aient
signifié pour leurs créateurs la même chose que ce que nos idées philosophiques
signifient pour nous. Or, ce n’est pas le cas : le Tao et l’Atman se sont
développés, l’Atman hors du lotus, tandis que le Tao demeure eau calme.
Autrement dit, ce sont des révélations, alors que pour nous ce sont des
concepts qui nous laissent froids. Nous ne pouvons les intégrer comme l’ont
fait les hommes de cette époque. Les théosophes ont certes essayé, mais se sont
envolés, en se coupant de tout lien avec la réalité. Ces révélations leur sont
bien apparues, elles sont sorties d’eux tout comme la pomme pousse sur l’arbre.
Pour nous, elles sont la source d’une grande satisfaction intellectuelle, mais
elles ne nous aident en rien à concilier les opposés.
Supposons qu’un patient
vienne me voir avec un conflit grave, et que je lui dise : « Lisez le Tao Tê
Ching » ou bien "Remettez vos souffrances entre les mains du Christ. " C’est
un conseil merveilleux, mais qu’est- ce que cela apportera à ce patient dans la
résolution de son conflit ? Rien.
Bien sûr, ce que le Christ représente
fonctionne pour les catholiques et en partie pour les protestants, mais ça ne
fonctionne pas pour tout le monde ; et la plupart de mes patients sont des
personnes pour lesquelles les symboles traditionnels ne fonctionnent pas.
Lorsque l’élan créateur est présent, c’est- à- dire quand le processus en cours
a la qualité d’une révélation, alors notre chemin est univoque.
L’analyse devrait permettre de faire l’expérience de quelque chose qui nous saisit ou s’abat sur nous, une expérience qui a du corps et de la substance, comme ce qui arrivait aux anciens. Si je devais choisir un symbole, ce serait celui de l’Annonciation. Il en a été bouleversé au plus profond de lui.
Il me revient à l’esprit un autre cas semblable, celui d’un homme qui buvait. Un soir, il rentre chez lui après une bringue carabinée, ivre mort. Il entend des gens banqueter à l’étage, et s’en réjouit. À cinq heures, il va à la fenêtre voir d’où vient ce grand tapage. Il habitait une allée avec des sycomores devant sa fenêtre. Il voit alors se dérouler une foire aux bestiaux, mais avec tous les porcs dans les arbres. Il pousse un grand cri pour attirer l’attention sur eux, et la police l’a emmené à l’asile. Quand il a compris ce qui lui était arrivé, il s’est arrêté définitivement de boire.
Dans ces deux cas, l’aspect de réalité de la représentation a déclenché une peur énorme, et, bien que les exemples soient grotesques, ils illustrent néanmoins le point que je voulais souligner, à savoir que, pour que la représentation libératrice soit efficace, elle doit avoir un caractère archaïque. Elle doit être physiquement vraisemblable, c’est- à- dire qu’elle doit faire totalement partie de nous. On sait qu’il n’existe aucune méthode pour forcer ce genre d’événements, mais il existe une multitude de méthodes dans le monde qui mettent l’esprit en condition pour faciliter le contact avec la vérité immédiate.
Le yoga est l’exemple le plus remarquable parmi ces méthodes. Il y a plusieurs sortes de yoga, certaines qui utilisent la respiration, les exercices, le jeûne, etc., et d’autres comme le yoga de la Kundalinî, qui est une sorte d’entraînement sexuel de caractère un peu obscène. La sexualité est utilisée car c’est un stade instinctif et donc fiable pour induire des états favorisant l’apparition de ces expériences immédiates. Toutes ces méthodes de yoga, et les pratiques similaires, permettent de provoquer les conditions souhaitées, mais seulement, pour ainsi dire, si Dieu le veut ; en d’autres termes, cela implique un autre facteur nécessaire, dont nous ignorons la nature.Toutes les pratiques primitives doivent être comprises comme un effort de l’homme pour se rendre réceptif à ce que la nature cherche à révéler".
L’analyse devrait permettre de faire l’expérience de quelque chose qui nous saisit ou s’abat sur nous, une expérience qui a du corps et de la substance, comme ce qui arrivait aux anciens. Si je devais choisir un symbole, ce serait celui de l’Annonciation. Il en a été bouleversé au plus profond de lui.
Il me revient à l’esprit un autre cas semblable, celui d’un homme qui buvait. Un soir, il rentre chez lui après une bringue carabinée, ivre mort. Il entend des gens banqueter à l’étage, et s’en réjouit. À cinq heures, il va à la fenêtre voir d’où vient ce grand tapage. Il habitait une allée avec des sycomores devant sa fenêtre. Il voit alors se dérouler une foire aux bestiaux, mais avec tous les porcs dans les arbres. Il pousse un grand cri pour attirer l’attention sur eux, et la police l’a emmené à l’asile. Quand il a compris ce qui lui était arrivé, il s’est arrêté définitivement de boire.
Dans ces deux cas, l’aspect de réalité de la représentation a déclenché une peur énorme, et, bien que les exemples soient grotesques, ils illustrent néanmoins le point que je voulais souligner, à savoir que, pour que la représentation libératrice soit efficace, elle doit avoir un caractère archaïque. Elle doit être physiquement vraisemblable, c’est- à- dire qu’elle doit faire totalement partie de nous. On sait qu’il n’existe aucune méthode pour forcer ce genre d’événements, mais il existe une multitude de méthodes dans le monde qui mettent l’esprit en condition pour faciliter le contact avec la vérité immédiate.
Le yoga est l’exemple le plus remarquable parmi ces méthodes. Il y a plusieurs sortes de yoga, certaines qui utilisent la respiration, les exercices, le jeûne, etc., et d’autres comme le yoga de la Kundalinî, qui est une sorte d’entraînement sexuel de caractère un peu obscène. La sexualité est utilisée car c’est un stade instinctif et donc fiable pour induire des états favorisant l’apparition de ces expériences immédiates. Toutes ces méthodes de yoga, et les pratiques similaires, permettent de provoquer les conditions souhaitées, mais seulement, pour ainsi dire, si Dieu le veut ; en d’autres termes, cela implique un autre facteur nécessaire, dont nous ignorons la nature.Toutes les pratiques primitives doivent être comprises comme un effort de l’homme pour se rendre réceptif à ce que la nature cherche à révéler".
Je regrette de ne pas venir plus souvent mais je sais que Jung reste un lien puissant entre nous. Amitiés.
RépondreSupprimerJe suis venue aux nouvelles ...
RépondreSupprimerBonsoir Ariaga,
RépondreSupprimerJ’espère pouvoir reprendre très bientôt mes activités sur le web. Un déménagement imprévu et beaucoup de travail m’en ont empêchés pendant quelques temps. Merci pour tes visites
Amitiés chaleureuses