06 juillet 2013

La tendance créatrice de la libido


Nous avons dit précédemment que la libido produisait des images, images analogues, mythes, fantaisies ; manifestait sa présence dans l’homme par des perceptions sensibles, par un vécu subjectif, une expérience immédiate ou mystique ; que la libido n’est pas disponible par la conscience car nous avons vu que son aptitude à créer des images survient dés lors que la pensée qui sert à l’adaptation au monde réel cesse de fonctionner comme c’est le cas par exemple dans les rêves. Dans cette idée, Nietzche disait joliment : « le rêve est une récréation pour le cerveau qui, dans le jour, doit satisfaire aux sévères exigences de la pensée, telles qu’elles sont établies par la civilisation supérieure ».
Nos rêves se produisent, en effet, et c’est le cas pour toutes les productions de la libido quand la pensée dirigée disparaît. La libido possède donc une aptitude à créer des images, une aptitude qui repose sur des instincts ; c’est pourquoi la pensée créatrice d’imaginations, guidée par la libido correspond aussi à l’expression « d’antiques états d’esprits ». Nous portons en nous des tendances instinctives archaïques et ce sont elles qui se répètent ou qui nous conduisent à répéter le passé lointain, dans nos rêves et nos fantaisies. Ce qui fait dire à Jung par exemple : « l’imagination des hommes d’aujourd’hui n’est pas autre chose au fond que la répétition d’une vieille croyance populaire ». Ou bien encore nous pouvons penser aux thèmes mythologiques qui furent jadis des réalités ; par exemple la peur d’être enlevé que nous retrouvons dans  l’ancien rapt de Perséphone.

La libido reproduit en quelque sorte un ordre, toujours le même, un ordre plus proche de la nature et du passé que de celui de la pensée adaptée, logique et dirigée. A propos de la tendance créatrice de la libido à produire des mythes, jung disait: « si l’on réussissait à supprimer d’un seul coup toute tradition dans le monde, toute la mythologie et toute l’histoire religieuse recommenceraient à leur début avec la génération suivante ».

La tendance créatrice de la libido représente cette force souterraine indestructible vivante qui coule d’une source intérieure profonde dans l’homme. La libido sous sa forme créatrice apparaît par exemple dans les symboles suivants : le dieu créateur, le phallus qui donne la vie, le soleil qui perpétue la vie…

La libido, enfin, est porteuse de la tendance créatrice de la nature, cette nature qui parle sans mot,  qui s’entend mieux avec les choses qu’avec les mots, parce que les choses, tels les sentiments et les images peuvent s’associer, et être déplacées sans disposer de noms, et donc sans la participation des processus mentaux, mais uniquement avec celle du monde sensible ; et la libido de se glisser de comme en comme,  d’images en images, de surfer sur leur sens jusqu’à procurer un élargissement du monde, ou une musique si nous voulons être poétique ; ou à minima, jusqu’à délivrer la syntaxe du monde, certes, intérieur.

La pensée imaginative produite par la libido est donc un état d’esprit, un état de la connaissance du monde ancien, archaïque et éternel ? qui tire sa matière de l’inconscient collectif. L’inconscient collectif, matrice de la conscience humaine, n’est-il pas ce lieu qui nous relie tous, et qui signe donc notre appartenance commune, notre appartenance à une culture universelle en quelque sorte déjà présente, et de laquelle certes, l’homme devenant conscient devra s’extraire. Il n’est pas étonnant que la libido ne nous appartienne pas ; elle semble servir à la réalisation de l’humanité ainsi qu’à celle de l’individu en devenir. Mais, les deux dans le Soi, ne sont-elles pas réunies ?

Je parlerai dans le prochain billet du pourquoi on ne peut pas confondre la pensée imaginative avec la pensée prélogique de Freud.




© 2013 Copyright Isabelle Basirico - Reproduction interdite - tous droits réservés -