Nous avons dit précédemment que la libido produisait des
images, images analogues, mythes, fantaisies ; manifestait sa présence
dans l’homme par des perceptions sensibles, par un vécu subjectif, une expérience
immédiate ou mystique ; que la libido n’est pas disponible par la
conscience car nous avons vu que son aptitude à créer des images survient dés
lors que la pensée qui sert à l’adaptation au monde réel cesse de fonctionner comme
c’est le cas par exemple dans les rêves. Dans cette idée, Nietzche disait
joliment : « le rêve est une récréation
pour le cerveau qui, dans le jour, doit satisfaire aux sévères exigences de la
pensée, telles qu’elles sont établies par la civilisation supérieure ».
Nos rêves se produisent, en effet, et c’est le cas pour toutes
les productions de la libido quand la pensée dirigée disparaît. La libido possède
donc une aptitude à créer des images, une aptitude qui repose sur des instincts
; c’est pourquoi la pensée créatrice d’imaginations, guidée par la libido
correspond aussi à l’expression « d’antiques états d’esprits ». Nous
portons en nous des tendances instinctives archaïques et ce sont elles qui se
répètent ou qui nous conduisent à répéter le passé lointain, dans nos rêves et
nos fantaisies. Ce qui fait dire à Jung par exemple : « l’imagination des hommes d’aujourd’hui n’est
pas autre chose au fond que la répétition d’une vieille croyance
populaire ». Ou bien encore nous pouvons penser aux thèmes
mythologiques qui furent jadis des réalités ; par exemple la peur d’être enlevé
que nous retrouvons dans l’ancien rapt
de Perséphone.
La libido reproduit en quelque sorte un ordre, toujours
le même, un ordre plus proche de la nature et du passé que de celui de la pensée
adaptée, logique et dirigée. A propos de la tendance créatrice de la libido à produire
des mythes, jung disait: « si l’on
réussissait à supprimer d’un seul coup toute tradition dans le monde, toute la
mythologie et toute l’histoire religieuse recommenceraient à leur début avec la
génération suivante ».
La tendance créatrice de la libido représente cette force souterraine indestructible vivante qui coule d’une source
intérieure profonde dans l’homme. La libido sous sa forme créatrice apparaît par
exemple dans les symboles suivants : le dieu créateur, le phallus qui
donne la vie, le soleil qui perpétue la vie…
La libido, enfin, est porteuse de la tendance créatrice
de la nature, cette nature qui parle sans mot,
qui s’entend mieux avec les choses qu’avec les mots, parce que les
choses, tels les sentiments et les images peuvent s’associer, et être déplacées sans
disposer de noms, et donc sans la participation des processus mentaux, mais
uniquement avec celle du monde sensible ; et la libido de se glisser de
comme en comme, d’images en images, de surfer
sur leur sens jusqu’à procurer un élargissement du monde, ou une musique si
nous voulons être poétique ; ou à minima, jusqu’à délivrer la syntaxe du
monde, certes, intérieur.
La pensée imaginative produite par la libido est donc un
état d’esprit, un état de la connaissance du monde ancien, archaïque et
éternel ? qui tire sa matière de l’inconscient collectif. L’inconscient
collectif, matrice de la conscience humaine, n’est-il pas ce lieu qui nous
relie tous, et qui signe donc notre appartenance commune, notre appartenance à une
culture universelle en quelque sorte déjà présente, et de laquelle certes, l’homme
devenant conscient devra s’extraire. Il n’est pas étonnant que la libido ne
nous appartienne pas ; elle semble servir à la réalisation de l’humanité
ainsi qu’à celle de l’individu en devenir. Mais, les deux dans le Soi, ne sont-elles pas réunies ?
Je parlerai dans le prochain billet du pourquoi on ne peut pas confondre la pensée imaginative avec la pensée prélogique de Freud.
Je parlerai dans le prochain billet du pourquoi on ne peut pas confondre la pensée imaginative avec la pensée prélogique de Freud.
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