26 juin 2006

Tous ces inconscients* en nous

Celestial apparition Jonathon-earl-bowserDans ce petit billet, nous allons plus particulièrement nous intéresser à l'esprit : l'esprit conscient et son contraire l'esprit inconscient. Comme cela a été vu précédemment, s'il est une tendance qui marque bien la démarche des chercheurs d'aujourd'hui c'est l'intérêt que ceux-ci portent au cerveau, autrement dit à la matière. Leurs recherches font apparaître que c'est notre cerveau qui sécréterait la pensée ou l'esprit. Puisque, sur la question, leurs tâches consistent pour l'essentiel à trouver quel marqueur biochimique irait avec telle ou telle production de l'esprit. La conception de l'esprit humain comme n'étant rien d'autre qu'un effet biochimique relève de la discipline que l'on nomme les neurosciences, et je dirais cela témoigne ipso facto d'une psychologie sans âme. L'esprit d'ailleurs pour les neuroscientiques est considéré comme étant une simple fonction mentale au même titre que la mémoire, la perception, l'attention, le langage etc, - et non bien sûr comme une totalité à laquelle la conscience serait subordonnée -. Cette tendance matérialiste et restreinte prouve bien que les conceptions modernes sur l'esprit visent toujours, hélas, à découvrir une manifestation extérieure et compréhensible rationnellement dudit esprit.
Pourtant après la découverte freudienne de l'inconscient nous savons tous que l'homme, pour comprendre les mécanismes de la conscience humaine, est désormais invité à regarder tout au fond de lui-même. Avant Freud, les seules études sérieuses se fondant sur la connaissance intérieure, ou la connaissance de soi par soi, ont été menées par la psychologie introspective qui a vu le jour à partir du XVIIe siècle. Cette dernière posait l'intérieur de l'homme comme un existant vrai et réel. Aujourd'hui, l'introspection n'a plus la côte au sein des chercheurs psychologues. Toutefois, il est à remarquer que la définition du mot conscience retenue par les psychologues d'aujourd'hui plonge ses racines dans les thèses des partisans de l'introspection ; en effet, la conscience qu'étudient les psychologues correspond à cette faculté en soi qui donne le sentiment d'être une personne qui pense, qui agit, qui perçoit qui parle, se souvient etc…c'est ce que l'on nomme encore, la conscience réflexive, ou le cogito qui est apparu avec Descartes.
"Il ne peut rien avoir en moi dont j'ai conscience" avançait le grand philosophe français. En conséquence et suivant ses propres vues, tous les produits de l'esprit sont nécessairement connaissables. Descartes disait encore autre chose : "Je n'ai besoin d'aucune référence à mon corps pour me penser existant" . Autrement dit, "la chose qui pense" ne pouvait avoir, pour Descartes, aucun lien avec le corporel. De là découle l'antique dualité bien connue de l'âme et du corps.

Par cette idée, l'existence d'un inconscient, non pas psychique, mais purement physiologique et à ranger du côté du corps, devenait envisageable. On peut dire, à bon droit, qu'avant Freud, l'impérialisme de la conscience a servi à ouvrir une voie à la vie d'un inconscient, voie où vague sur laquelle Freud n'a pas hésité un seul instant à surfer, il faut le dire. Au vrai, les tous débuts de la recherche concernant la notion d'inconscient remontent aux intuitions des mystiques antiques, tel que Saint Augustin. Puis la notion d'inconscient s'est précisé grâce aux contributions des grands philosophes allemands de l'époque post-kantienne, tels que Schopenhauer, Carus, Van Hartmann. (Voir la liste des découvreurs de l'Inconscient)

Le développement ultérieur de la notion d'inconscient est dû en majeure partie à Freud. Bien qu'il y ait eu, à la même période, un inconscient "imaginé" par les romantiques qui n'a absolument rien à voir avec l'inconscient freudien, et qui est passé pour autant que nous puissions nous permettre d'en juger, inaperçu. Je reviendrai à cette question dans le prochain petit billet.
Quant à l'inconscient des psychologues, il s'est imposé à peu près au même moment à travers l'œuvre de Pierre Janet, Auguste Forel, Théodore Flournay, Morton Prince ….

Enfin un nouvel inconscient est en train de faire son apparition en prenant une nouvelle forme. Il s'agit de l'inconscient des sciences cognitives, dit l'inconscient cognitif. Cet inconscient englobe le fait de percevoir, d'apprendre et de résoudre des problèmes sans en avoir conscience.

Mais dites-moi, tous ces inconscients pour un seul cerveau, cela ne fait-il pas beaucoup ?

Mais surtout, l'esprit et l'âme* dans tout ce trafic que sont-ils devenus ?
Ont-ils vraiment été étudiés à la lumière de l'expérience humaine, tel que le fit Jung qui propose lui de ne pas dissocier la notion d'esprit de celle de la vie. "L'esprit est le résumé de la nature psychique" nous dit-il. Cela veut dire que ce que nous pouvons raisonnablement connaître de l'esprit passe par le psychique ; ce psychique qui est directement connaissable par la conscience.
Nous verrons aussi que la nature psychique a besoin d'un corps pour s'exprimer notamment en image. Comme le corps a besoin du psychisme pour exercer son activité de vie. Vie et esprit font partie d'un seul état de fait. Jung propose également de regarder l'esprit comme une conscience supérieure. La notion d'esprit, pour Jung implique en effet, que nous lui reconnaissions une supériorité sur le moi conscient. Et c'est cette conscience supérieure que Jung appelle l'inconscient. Plus précisément, il la nomme l'inconscient collectif, en ce sens qu'elle est aussi l'âme supra-individuelle, ou encore un océan d'images et de formes, par opposition à l'inconscient personnel, qui lui est superficiel et relatif.
Jung propose en somme de considérer l'esprit comme une totalité psychique ou matricielle dans laquelle l'unité du conscient et de l'inconscient tend à se former car la psyché est nécessairement de nature spirituelle.
En somme la psychologie de Jung est incontestablement une psychologie de l'âme reposant sur le postulat d'un esprit autonome pris comme un fait réel d'expérience, et non comme une banale sécrétion cérébrale. Partant, le critère de vérité pour toute connaissance de soi cesse d'être dans la dépendance d'un système de calculs aléatoires et normalisés pour venir s'appuyer uniquement sur des perceptions vraies ou tout du moins toujours plausibles (images, connaissance et intuition) en provenance de l'âme. C'est pourquoi, c'est elle, l'âme que tout ami ou médecin de l'humain, devrait aimer et accompagner vers sa délivrance dans un monde difficile parce que trop handicapé par le règne du matérialisme scientifique qui n'en finit plus d'exister.

*L'inconscient physiologique, l'inconscient métaphysique, l'inconscient romantique, l'inconscient psychologique, l'inconscient freudien, l'inconscient cognitif, l'inconscient collectif.
A l'évidence, et je ne suis pas la seule à le penser, l'étude de la conscience a beaucoup moins attiré de chercheurs que l'étude de l'inconscient.
* Souvent d'ailleurs on emploie le mot "esprit" en le confondant avec celui d'âme


à suivre...


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