18 août 2019

Le féminin est l’avenir de l’humanité




Voici  l’un de mes posts de 2015, revu, corrigé et expliqué  ; je tentais alors de m’exprimer sur le sujet du féminin dans les femmes : sur son état actuel et son devenir futur possible pour la femme et pour l’homme. Je ne suis pas parvenue à bien me faire comprendre sur le sujet. Je cherchais à dire que les femmes qui n’ont pas encore trouvé leur nature féminine ne recevaient pas toujours de l’aide de la  part de leurs partenaires de l’autre sexe, a fortiori lorsque ces derniers ne cherchaient pas à découvrir leur propre féminin intérieur ou inconscient. D’un côté, le discours et la vision toute masculine qui assurent l’ordre nécessaire du monde extérieur depuis deux millénaires ont permis de propulser une bonne partie des femmes au rang de sexe gagnant, pour ce qui concerne leur réussite professionnelle, or d’un autre côté, dans leur rapport avec les femmes, la plupart des hommes n’aident guère les femmes à bien se comprendre.

L’émancipation des femmes depuis les six dernières décennies s’est montrée spectaculaire. Bien plus actives et visibles qu’hier, les femmes modernes ont beaucoup gagnés en autonomie, indépendance, compétence, prestige et initiative. Leur réussite s’observe surtout dans le domaine professionnel et social, et touche, certes, bien plus les femmes de milieux aisés. Mais pourquoi les femmes sont-elles tentées pour la plupart d’entre elles de suivre  des modèles de penser et d’être masculins ? Pourquoi les femmes ne s’appuient- elles pas davantage sur  leur propre  nature féminine pour progresser dans leur vie ;  une nature qu’il conviendra de définir. Nous savons et voyons que cette nature est dans leur être conscient et sexué, alors pourquoi donc les femmes ne s’en servent-elles pas davantage dans leurs implications extérieures diverses et variées   ?  

  "Les femmes ne peuvent échapper à la réalité que voici : les femmes embrassent une profession d’homme, elles étudient et travaillent à la manière des hommes et font ainsi quelque chose dont le moins qu’on puisse dire est que cela ne correspond pas entièrement à leur nature de femme. Quand on vit ce qui est le propre du sexe opposé, on vit en somme, dans son propre arrière-plan, et c’est l‘essentiel qui est frustré. L’homme devrait vivre en homme et la femme en femme".
 Jung pointe ici la contradiction des actions chez les femmes ; elles réussissent de la même manière que celle des hommes, mènent études et carrières non pas d’une manière qui s’inspire de leur être essentiel féminin, mais d’une manière qui emprunte aux traits de leur masculin inconscient.  Donc, il ne veut pas dire que la femme ne devrait ni travailler ni étudier, il souligne, je pense, simplement que la femme fait vivre de  manière essentielle pour réussir  « son arrière-plan » c’est-à-dire son inconscient. Pourquoi son inconscient, car la femme, comme tout être humain, femme ou homme donc, réuni l’instinct masculin et féminin. La femme a un inconscient typé masculin et l’homme un inconscient typé féminin, Jung en parle en termes de principe, ou d’éléments masculins et féminins et donne le nom d’animus à l’instinct masculin inconscient, chez la femme, et le nom d’anima à l’instinct féminin inconscient chez l’homme. Ces deux grands principes ou instincts président au devenir essentiel de n’importe quel être humain conscient. Qu’il soit du sexe féminin ou masculin. La grande confusion que l’on fait souvent, lorsqu’on lit Jung c’est de confondre genre ou comportement social et instinct ou archétype[1] .
Ces deux instincts, en contraste marqué, semblent inconciliables, pourtant ils attendent de pouvoir vivre en harmonie un jour dans la femme et dans l’homme comme force et partenaire intérieur.  
C’est pourquoi j’avais cité, dans mon texte initial, ces lignes de Jung :  "La femme sait de plus en plus que l’amour seul lui donne la plénitude de développement, de même que l’homme commence à saisir que l’esprit seul donne à sa vie son sens le plus noble et tout deux, au fond, cherchent le rapport spirituel qui les unira, parce que l’amour a besoin, pour se compléter de l’esprit et l’esprit, de l’amour ». L’homme et la femme aspirent à être entier, mais doivent avant cela résoudre le problème difficile de l’absence de conscience de leur anima et animus. 

Mais revenons à la nature féminine de la femme, nature que nous ne faisons qu’effleurer bien sûr, tant il y aurait à écrire.  En quelques mots tout de même, de quelle nature féminine parle-t-on ?
La nature féminine dont il est question ici n’a rien à voir avec les caractères que l’on attribue habituellement aux femmes tels que  le charme, la douceur, l’amabilité. Ou bien d’autres qualités apaisantes et rassurantes attribuées depuis fort longtemps aux femmes par le discours masculin. La nature féminine dont parle la psychologie analytique jungienne correspond à l’anima chez l’homme, c’est-à-dire à l’instinct féminin, au principe féminin, ou dit encore à Éros, c’est-à-dire l’amour en tant qu’instinct et pris dans le sens de relation sentimentale et d’érotisme et à ne pas confondre avec la sexualité.

Je cite un bref extrait d’un texte de Jung qui dépeint bien la psychologie très féminine de la femme :
« Cela n’a rien de particulièrement surprenant, puisque la femme est infiniment plus « psychologique » que l’homme. Lui se contente, le plus souvent, de la seule logique. Tout ce qui est « spirituel », « inconscient » etc., lui répugne, lui paraît indécis, vague ou maladif. Il veut l’objectif, ou le réel, non des sentiments et des fantaisies qui porte à faux ou dépassent le but. Au contraire, la femme veut, la plupart du temps, savoir ce que l’homme sent à propos d’une chose, plutôt que de connaître la chose elle-même. Pour elle, est seul utile ce en quoi l’homme ne voit que futilités, ou impédimenta. Aussi est-il naturel que ce soit la femme qui présente la psychologie la plus immédiate et la plus riche et bien des choses peuvent se remarquer très clairement chez elle, qui ne sont, chez l’homme que des processus indécis d’arrière-plan, dont il ne veut même pas convenir. Or la relation humaine, contrairement aux explications objectives et aux conventions, passe par le spirituel, domaine intermédiaire, qui va du monde des sens et des affects jusqu’à l’esprit, empruntant à l’un et à l’autre sans rien perdre cependant de son étrange nature particulière ». Jung poursuit en disant « il est nécessaire que l’homme s’aventure sur ce terrain, s’il veut apporter à la femme une certaine compréhension ».
Il faut comprendre, selon moi, que le féminin a besoin de devenir plus conscient chez l’homme ce qui aiderait en même temps grandement les femmes à affirmer davantage leur nature féminine, au lieu de faire qu'elles s'appuient principalement sur leur animus[2]. La femme, tout comme l’humanité et son lieu de vie, la planète ont grandement besoin de réveiller ce féminin encore trop méconnu et évité par les hommes qui ne connaissent de lui pas grand-chose. En général le féminin inconscient de l’homme se retrouve à l’extérieur projeté sur une femme ou bien à l’intérieur, sous forme d’humeur ou d’émotion à dégager.  

Et voici pourquoi en conclusion de mon article de 2015, j’écrivais :
Pour comprendre l’importance de la réalisation de son Éros, la femme a besoin, comme l’indique Jung que l’homme s’aventure sur le terrain de ce qu’il répugne le plus : à savoir son propre féminin inconscient, autrement dit le spirituel, l‘inconscient, ou tout ce qui lui paraît flou, trop psychologique, érotique (confondu souvent avec la sexualité). L’homme préfère, hélas s’en tenir à la froide logique ce qui n’arrange guère les affaires de la femme. Or, en ne développant pas un peu plus son éros, il n’aidera guère la femme à mieux comprendre et récupérer sa part de féminité naturelle perdue. Et s’il ne fait rien, il faut s’attendre à ce que la femme continue à s’appuyer sur son animus, un animus qui tant qu’il ne sera pas utilisé autrement, risque de réserver de rudes épreuves à sa belle, dans le but inconscient pour la femme de « l’aider » à mieux se réveiller et à se révéler à elle-même.    

Ainsi, le progrès vers l’autonomie sociale réalisée par la femme d’aujourd'hui, qui est apparue principalement sous la contrainte de faits économiques a largement contribué à améliorer la qualité de vie des femmes, mais il ne parle pas du changement et de l’évolution dans le vécu du féminin qui restent à venir aussi bien chez l’homme que chez la femme.


Illustrations
Gaëlle BACQUET

Références
Problème de l’âme moderne  – La femme en Europe – Jung
Les mystères de la femme – Esther Harding
La femme et son ombre – Silvia Di Lorenzo
Conférence de Sylvie Chevallier de la SFPA du 30/03/19 intitulée l’animus dans les contes de fées



[1] Je ne compte pas développer plus que ça cette notion ici.

[2] Le point d’appui des femmes dont je fais référence et qui est abondamment souligné par Jung  dans ses écrits, concerne  l’animus défensif de la femme, lequel animus s’est constitué au fil du temps, par la violence du long assujettissement des femmes par le logos de pouvoir masculin ; les femmes du temps de Jung mais encore aujourd’hui  s’en servent inconsciemment comme une arme redoutable contre les hommes. (Voir conférence de Sylvie Chevallier de la SFPA du 30/03/19 intitulé l’animus dans les contes de fées).