La libido, forte intensité instinctive indistincte, impossible
à caser dans une fonction, peut venir occuper un domaine ou une activité
instinctive variée mais ne peut y rester bloquée. Car ses possibilités de
renouvellement sont perpétuelles et marquées par une haute intensité. Ce trait essentiel distingue la libido transformable des instincts classiques.
C’est pourquoi Jung parle, toujours à propos de la libido transformable, d’excèdent
de libido. Et utilise dans son livre, l’Energétique psychique, la métaphore
éclairante de la chute d’eau.
Les fonctions instinctives organisées et fixes
ressemblent aux chutes d’eau qui dévalent la pente naturelle, en suivant ainsi
leur propre loi. Mais quand la chute d’eau est trop forte, (l’excédent de
libido susceptible de se déplacer-transformer), la conduite des sections (les
instincts) devient alors trop faible. L’eau déborde. Seule, une usine transformatrice (le symbole
machine à transformer la libido) peut offrir une dérivation favorable à l’eau
en excédent.
Dans la nature psychique l’intensité de cette libido transformable
donne lieu, par exemple, à la naissance d’idées religieuses inexplicables, ou de
fantaisies imaginaires Et prouve dans un sens, que la libido peut passer d’une forme à une
autre grâce au symbole.
Jung cite comme exemple de déplacement de la libido par le
symbole, la cérémonie du clan australien
des Watschandies. Ce rite
primitif lui sert à montrer comment le symbole peut faire passer la libido vers une forme d’activité autre moins primitive.
« Les Watschandies,
comme l’écrit Jung, exécutent au printemps un sortilège fécondateur ; ils
creusent dans le sol un trou fait et entouré de buissons de manière à imiter un
sexe féminin. Autour de ce trou, ils dansent toute la nuit tenant leurs lances
devant eux, dressées comme pour rappeler un pénis en érection. Ils dansent
autour de ce trou dans lequel ils frappent avec leurs lances en même temps qu’ils
crient. De telles danses obscènes ont lieu aussi dans d’autres clans ».
Cet acte rituel ne montre pas, comme tendrait à le supposer
les conceptions de Freud, un remplacement de l’acte sexuel. Il montre un
changement de forme dans l’utilisation de la libido sexuelle. Il existe, certes
une analogie évidente entre la fonction sexuelle et le creusement de la terre,
mais comme le dit Jung, ce n’est pas parce qu’il existe une analogie avec la
sexualité que l’énergie en question découle nécessairement de la vie sexuelle.
Le rite utilise en fait l’idée invariable du héorogamos
sexuel (le mariage sacré), qui est un modèle général très utilisé dans de
nombreux rites. La production du feu par le creusement de la terre, comme le
souligne Jung dans son livre, « les
Métamophoses » dérive sans doute aussi du modèle du hiérogamos sexuel. Car dans
le creusement du feu, l'union de deux êtres humains est remplacées par deux simulacres : soit deux morceaux de bois.
L’activité change mais pas le modèle général.
Dans le rite australien, la création de symbole, c’est le
trou qui vient en remplacement du sexe de la femme. L’acte sexuel et son objet réel,
le sexe de la femme sont remplacés grâce
à un objet symbolique (le trou) par un acte utile (le labourage de la terre).
Au final, le but du cérémonial n’est nullement sexuel mais
magique. Car en simulant le hiérogamos avec la terre, cela permettait de libérer
beaucoup d’énergie libre, autrement dit des forces émotionnelles puissantes qui
aux yeux du clan opéreraient sur la production des cultures un effet favorable
magique. Jung résume le but de ce
cérémonial ainsi « Ils tentaient ainsi de récupérer l’effet magique du
hiérogamos sexuel, la partie magique de la libido pour obtenir une bonne
moisson ».