La
libido ; un système d’énergie
Chez Jung, le terme libido
fait aussi figure de concept opératoire. À la différence que les conceptions de
Jung sur la libido permettent d’aller plus loin et plus haut dans les
explications de l’énergétique psychique de l’homme. La libido pour lui est
d’abord un concept neutre ; l’énergie psychique ne peut pas avoir une
spécification, elle a une valeur quantitative mais non qualitative. Car
l’énergie psychique, c’est l’énergie de l’instinct de vie en général. Autrement dit la théorie jungienne de la libido ne repose pas sur
l’action à la base de la vie psychique d’un seul instinct, l’impulsion
sexuelle. Pour lui, l’instinct sexuel doit être placé au même niveau que par
exemple l’instinct de nutrition. Ces instincts, comme d’autres relèvent
d’un appetitus non hégémonique et naturel. La libido n’est pas
synonyme de faim sexuelle pour Jung. Et le refoulement ne
concerne pas seulement la sexualité, mais peut concerner tous les instincts. On
ne saurait réduire l’énergétique de toute la psyché à un seul instinct. Car,
comparativement, cela reviendrait à postuler qu’il n’existe qu’une seule vérité
ou une possibilité de comportement unique. Si j’osais mélanger les plans
psychiques et physiques, je dirai que la libido est le corps instinctif, ou le
corps vibrant de vie d’une personne. Bien sûr dans la dynamique énergique
psycho-corporelle, se trouve inclus, les instincts de base ou primaires, mais
pas seulement !
la turbine psychique
Le concept de libido pour
Jung est synonyme d’énergie psychique, cette énergie présente quelques
similitudes avec le mot énergie tel qu’on l’entend fréquemment cité dans le
langage courant pour désigner en général l’énergie solaire, l’énergie
électrique, atomique etc. L’énergie physique et concrète que produit la nature
fonctionne en quelque sorte un peu comme l’énergie dans notre psyché. En ce
sens que l’énergie qu’elle soit physique ou psychique, elle a comme destiné,
soit de se décharger en ne produisant rien, soit de le faire en produisant un
certain travail. Avant de produire un certain travail, on peut faire suivre à
l’énergie un certain trajet qui débouche sur une transformation c’est-à-dire
sur la formation d’un nouveau potentiel d’énergie mais dont la nature diffère
de la source dont il est issue.
Prenons l’exemple d’une station thermique,
l’énergie mécanique qui provient de l’eau chauffée qui a été acheminée par
l’homme dans une turbine, devient à l’arrivée, de l’énergie électrique qui ira
alimenter directement nos maisons. L’énergie traduit donc le principe général
du mouvement de la vie. Ce mouvement est finalisé, c’est-à-dire qu’il possède
un but, et se trouve contenu dans la matière, c’est-à-dire à l’état de
potentiel. L’énergie est donc capable de devenir une force utilisable qui
possède un but, ou un potentiel d’activité par exemple. Elle est la force
potentielle contenue dans la matière, qui est capable de produire un travail,
parce que l’énergie est transformable et utilisable ou encore canalisable. La
turbine fait subir à l’énergie un certain trajet, mais nous pouvons
psychiquement aussi, lui faire prendre un certain trajet, avec plus ou moins de
conscience, bien évidemment. En général lorsque la conscience fait défaut,
l’énergie cherche à se décharger sans rien produire. Mais d’après Jung,
l’énergie psychique tend d’elle-même, et naturellement vers la transformation,
c’est-à-dire sans aucune participation consciente, l’énergie pousse à
l’évolution. Jung peut affirmer cela, suite aux observations qu’il a menées sur
la psychologie des peuples primitifs. Le potentiel de la libido semble se
libérer, en fait, dés lors que celle-ci peut circuler et s’écouler
librement. Autrement dit l’énergie est le principe du
mouvement de la vie qui donne différentes formes d’activité et d’ expression à
la matière.
La libido correspond au soubassement de l’activité intérieure de la
personne, c’est-à-dire à toute sa vie psychique, et les formes qu’elle donne
s’appellent des valeurs psychologiques. Ou ce qu’on appelle la volonté, les
sentiments, les affects, les motivations etc. Elle est le jus de notre volonté,
de nos affects, de nos motivations, elle donne épaisseur à ce qui nous fait
être entier.
Le double jeu d’Eros
Ce n’est pas sans raison
si l’activité énergétique intérieure fut d’abord assimilée à l’activité
sexuelle de l’homme, car la libido sexuelle, ou l’Eros englobe effectivement
les critères, de force qui naît de l’intérieure comportant une trajectoire, et
un but. La poussée intérieure de la pulsion sexuelle cadre bien aussi avec des
notions de but, de décharge, de force constellante, attachante, pouvant se
fixer sur un objet, comme cela se passe avec le désir sexuel, etc. La libido
telle que Jung l’a conçue, conception à laquelle je souscris plus volontiers,
contient effectivement les forces d’Eros, ou d’attraction amoureuse, mais elle
n’est pas l’énergie d’Eros, puisqu’elle est l’énergie qui confère force
poussée, ou direction à tous les instincts.
En somme, elle représente l’énergie
du désir de vivre, d’aimer, de créer, de se relier… La manifestation de ces
désirs peut ressortir dans la vie à des niveaux d’expression différents.
L’énergie de l’instinct peut aussi transporter les forces de l’âme, car
l’instinct vient de l’intérieur, et l’âme habite aussi l’intérieur de l’homme.
Le mot libido en latin veut dire aimer. Et justement, dans les
forces de l’amour, pourquoi n’y aurait-il pas dedans le désir d’une union
sacrée et recherchée entre l’homme et sa parcelle de divinité qui attend
d’éclore pour pouvoir libérer plus de valeurs et de forces spirituelles sur
cette terre ?
L’amour relève beaucoup de la force de l’instinct,
Eros, mais tant que l’homme s’acharne à vouloir disposer de cet instinct pour
lui (par exemple pour des besoins sécuritaires, narcissiques, matérielles} la
forme supérieure de cet instinct ne peut pas sortir.
Dans la réalité,
reconnaissons que l’amour et la sexualité, nous offrent le plus souvent un tout
autre tableau. Un tableau qui montre que l’amour (initiatique} a souvent
rendez-vous - ô misère! – avec la souffrance, le désenchantement, la
désillusion, la haine, le ressentiment, la destruction, le déchirement.
À un
niveau d’analyse profond, l’amour qui part du socle
spirituel de l’homme, le relie intimement à la vie et à la volonté de son âme.
La destinée de l’âme est spirituelle, l’âme cherche à s’unir avec l’étincelle
divine - un symbole du soi - qui vit dans l’homme. Et parfois, tant qu’elle ne l’a pas trouvée,
l’instinct Eros ne nous lâche pas. Il nous éprouve et parfois il nous attache
pendant longtemps à un objet, mot de la psychanalyste peu élégant pour désigner
l’élu de la libido. La psychanalyse nomme autrement ce phénomène,
l’investissement énergétique, ou l’investissement de la libido sur un objet.
Lorsqu’elle est fixée avec de la colle forte, et qu’elle se met à stationner un
peu trop longtemps, elle peut créer perversion, maladie, névrose. C’est
pourquoi, on ne doit jamais se comporter à la légère vis-à-vis des flèches
qu’Eros nous envoie; l’étroit fenestron qui ouvre sur notre étincelle divine
n’est pas facile à trouver et le trajet qui nous conduit à lui n’est jamais le
même pour tous…
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