Mais qu’est-ce qui est entrain de changer dans le domaine
de l’expérience amoureuse aujourd’hui ? Pourquoi dans un monde très
attaché au progrès, les relations amoureuses conduisent encore à tant de souffrance,
de déceptions, de déchirures, d’instabilités, et de malentendus ?
Qu’est-ce qui ne progresse pas dans ce domaine ?
Pour les sociologues[1] ce qui
ne change pas est que ce sont toujours les femmes qui trinquent le plus. Cela malgré
la lutte livrée par les féministes sur le plan sexuel et sacrificiel. Elles souffrent de
ce que devient l’amour aujourd’hui : un marché sans aucune régulation. « Les
hommes ont plus de choix et sont plus longtemps sur le marché de l’amour. Cela
a amené chez eux un effacement de la volonté de s’engager dans une relation
durable ». Et lorsque l’offre devient abondante, c’est le zapping !
Les économistes parlent « d’incapacité à former une préférence
stable ». En psychanalyse on aurait plutôt tendance à évoquer la présence
d’un infantilisme persistant.
Les femmes les plus en peine sont, certes, celles qui
cherchent un amour stable. Mais toutes les femmes devraient en fait, se sentir concernées par les métamorphoses de l’amour, car l’amour reste un thème féminin, et
comme disait Jung « la femme seule, sait que l’amour seul lui donne la
plénitude du développement».
La question que je me pose aujourd’hui est, si l’amour est
si fortement influencé par la culture de la consommation, qui est la culture
du grand choix sexuel, du jetable, de la satisfaction des
besoins élémentaires et utilitaires, qui
n’obligent en rien les hommes et les femmes qui se rencontrent à se marier, ni
à s’engager durablement comment vont s’effectuer les métamorphoses que permet leur
Eros ?
Eva Ilouz nous dit que la relation amoureuse est le seul domaine où aucune exigence n’est clairement posée, alors que dans tous les
autres, il existe des règles d’éthique élémentaires et des arbitres. D’un point
de vue psychanalytique, ce vide d’éthiques et de règles mes fait penser au
fonctionnement d’un Eros, la vie érotique, seul, sans le Logos, l’esprit. Et je
trouve cela de plus en plus inquiétant. Car le tableau de la situation de l’amour que dressent les
sociologues se vérifie tous les jours sur le terrain. Les femmes, jeunes et moins jeunes, souffrent souvent en silence ; chantonnent le ’tous les mêmes » de Stromae, ou bien encore cherchent sans trouver parce qu’elles n’ont pas assez chercher longtemps (voir le film «Jamais le premier soir » d’Alexandra Lamy.
Le domaine de l’intime et de l’éternel, l’amour donc, change
de visage, l’amour inconditionnel n’existera bientôt plus sauf avec les enfants. Dés la
moindre contrariété ou mésentente, on se sépare, on jette l’éponge. Ce n’est
plus l’amour, en tant que valeur et sentiment mais le calcul de plaisirs et de
peines qui guident la durée d’une relation.
Si la relation amoureuse ne dure pas, si les moindres effort
sont écartés, comment Eros peut-il s’inscrire dans la réalité, et ainsi se
transformer ?
Enfin, si le vécu de l’amour ressemble de plus en plus à un marché n’est-ce pas le signe que le vécu de l’amour se masculinise beaucoup ? Les femmes ne se sont-elle pas déjà appropriées massivement les valeurs masculines économiquement et socialement ? En pensée
psychanalytique, nous dirions qu’elles ont laissé agir leur partie masculine
inconsciente. Les hommes possèdent certes une contrepartie féminine inconsciente,
mais elle a encore beaucoup besoin de passer par l’intermédiaire des femmes
pour exister. Finalement, la poursuite de la transformation d’Eros ne dépend t-elle pas en grande partie des femmes, ou autrement dit du développement de l’individualité
féminine ?
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Bonsoir Isabelle ,
RépondreSupprimerl'Hors de vivre étend d'art , ce stade de développement ,
dépasse en soi l'enfant , pour s'inscrire sur le tard ,
comme le fin mot d'histoires , dont l'oeuvre au demeurant ,
repose malgré maints temps , sur d'alchimiques standards.
~
Toute âme à prendre part , s'offre un chance en donnant .
Néo, prince et poète de l’or du vivre !
RépondreSupprimerl’oeuvre du vivre malgré les déterminants sociaux et alchimiques prend du temps en effet et peut passer il faut l’admettre par tout sauf par ce que nous connaissons déjà...
Merci pour ta visite
Bonjour Isabelle,
RépondreSupprimerPeut-être y a-t-il dans ces quelques réflexions de Marie-Louise von Franz d’intéressants éléments de réponse à la question que pose votre billet :
«......... Je dirais qu'il faut laisser faire le destin. Il est vrai que le choix se fera dans de nombreux cas sur la base d'une projection, mais, si les personnes concernées sont instinctivement saines, elles ne se limiteront pas à la projection. Quand une image maternelle ou paternelle ne vient pas perturber la situation, les gens se laissent guider par un instinct très sain pour choisir le partenaire adéquat. Dans ce cas, même si les choses tournent mal, ils auront appris quelque chose. Si vous les aviez empêchés d'agir, ils n'auraient rien appris du tout ; ils seraient restes des chiots aveugles.
Je pense donc que les projections, les erreurs et même un éventuel divorce constituent parfois un détour inévitable. Ce sont des situations tragiques et vraiment tristes, mais c'est la première fois, dans l'histoire humaine, que nous faisons l'expérience de l'amour libre. À l'origine, le mariage était une institution qui n'avait rien à voir avec l'amour, mais nous ne pouvons plus agir de cette manière trop impersonnelle, trop collective. Si nous voulons construire une relation personnelle, nous devons en faire nous-mêmes l'expérience. Je pense que de pénibles souffrances vont en résulter, que des hommes vont torturer des femmes et des femmes torturer à leur tour des hommes, .jusqu'à ce que nous trouvions un jour le moyen de nouer de meilleures relations réciproques.
Il s'agit d'une expérience unique dans l'histoire. Elle a commencé avec les cours d'amour1 françaises, où les chevaliers pouvaient choisir la femme qu'ils aimaient et vivre avec elle une relation d'amour libre. Mais l'église catholique a rapidement réprimé cette coutume. Elle donnait lieu à trop d'enfants illégitimes, de complications familiales et de problèmes d'héritage. Le penchant légaliste de l'homme l'a supprimée.
Je dis à mes patients qui rencontrent des problèmes amoureux : « Vous êtes maintenant dans un pays de pionniers. » Pour la première fois de l'histoire, hommes et femmes essaient vraiment de nouer des relations sur une base humaine, ce qui commence par générer de nombreuses erreurs et difficultés. » Marie-Louise von Franz, "La voie des rêves" (chapitre XVIII La libération des relations), Éditions La Fontaine de Pierre
Avec mes meilleurs vœux pour la nouvelle année,
Amezeg
Bonjour Amezeg
RépondreSupprimerMerci Amezeg, très belle année à toi aussi !
Très intéressant et très visionnaire ce texte de Marie-Louise Von Franz que je ne connaissais pas. Elle écrit : « je pense que de pénibles souffrances vont en résulter, que des hommes vont torturer des femmes et des femmes torturer à leur tour des hommes ». Les résultats nous montrent bien ça : les relations sentimentales et sexuelles modernes ressemblent, aujourd'hui à un vrai chaos, c’est ce que je voulais souligner dans mon billet.
Personnellement, ce que je désire souligner aussi c’est que l’influence de notre culture toujours très matérialiste sur l’état d’esprit des gens, n’aide guère à sortir du chaos et du désordre ambiant. Je trouve cette situation très préoccupante surtout pour les personnes, les femmes notamment, les plus fragilisées et vulnérables et qui ne se trouvent pas du tout engagées dans un développement individuel. Et qui n’ont pas accès encore au sens profond du changement en cours.
Il faut "laisser faire le destin » oui comme le dit Marie-Louise von Franz mais le destin est soumis aussi aux influences extérieures, aux pensées et écrits des hommes et des femmes engagées, aux aidants professionnels ou pas engagés sur le terrain... Oui l’amour peut paraître « au-delà de la loi » et possède en priorité ses déterminants psychiques et alchimiques mais il peut aussi se muer en mieux ou en pire en fonction de l’environnement, notamment en fonction de l’esprit du temps.
Laissons se dérouler le changement certes, car il n’y pas d’autre choix, mais ne faisons pas rien du tout pour autant.
isabelle