Le grand tapage médiatique et populaire qui entoure la sortie de la loi de l’ABC de l’égalité garçons-filles, hommes femmes dans les écoles, et qui a déchaîné des débats houleux, met en
relief, me semble-t-il, la grave crise
d’identité et de sens qui secoue notre grand corps social malade.
Je ne souhaite surtout pas critiquer l’initiative fort louable que vise à apporter cette loi en matière de prévention des
comportements et des violences sexistes en milieu scolaire.
En réalité, c’est le tapage ambiant et
l’irruption des peurs irrationnelles autour de cette loi que je souhaite analyser
dans cet écrit.
Je remarque tout d’abord que le message émis par
ceux qui nous gouvernent diffère fortement de celui qui est reçu par nos
concitoyens. Le contexte de crise matérielle
et identitaire qui caractérise notre société compte pour beaucoup, je pense et produit
ce que nous observons massivement : des gens désireux en réalité d’entendre
davantage parler des solutions concrètes que le gouvernement compte apporter à
leurs vrais problèmes. Et se demandent implicitement : est-ce que
l’égalité des sexes va nous rendre notre identité perdue provoquée par la fin
du patriarcat. La mort d’un système qui fut le garant de nos valeurs
sécurisantes et structurantes érigées à grand renfort de forces éducatives et
autoritaires.
De plus, concrètement les besoins actuels d’égalité qui viennent spontanément
à l’esprit, ce ne sont pas ceux sur l’égalité
hommes femmes, mais plutôt ceux qui
portent sur l’égalité des chances, l’égalité des droits, des salaires, ou
encore l’égalité de la répartition des tâches ménagères à la maison.
Le chemin
vers l’égalité restant à parcourir se situe plutôt dans ce registre là, chez nous en tout cas. Je ne parle pas des besoins qui existent dans
les pays sous développés, frappés en ce qui les concerne, par de très grosses
inégalités, hommes- femmes, mais aussi de ressources qu’il faudrait arriver à
corriger.
Donc on ne voit pas très bien comment l’égalité
hommes femmes viendrait corriger les inégalités concrètes du terrain chez nous. Comment
par exemple, la souffrance qui pèse de tout son poids sur les épaules des
personnes les plus fragilisées s’atténuerait-elle en égalisant les sexes
(l’inné) et les genres (l’acquis).
Le développement d’une culture de la
solidarité serait bien plus utile pour ces personnes qu’une culture de
l’égalité des sexes.
Toutefois, il ne faut pas manquer de souligner,
je crois, que cette controverse fort animée peut permettre de faire une
importante prise de conscience. Ce grand débat devrait notamment nous éveiller
à la dimension normative du féminin et du masculin. Nous pouvons devenir plus
nombreux à saisir, comme l’écrit Irène Théry[1], ce que veut dire habituellement être une femme ou une homme « être un homme ou une femme n’est pas saisissable autrement que comme
un ensemble de manières d’agir au masculin, ou au féminin, prescrites par les
usages et les coutumes, les normes religieuses ou les règles juridiques ».
Avant de bien se connaître, il faut entendre, on est un homme ou bien une femme en fonction de ce qui est
attendu de nous. Et lorsque, certaines nécessités intérieures l’imposent,
nécessités que je ne peux pas développer ici, je pense, qu’il n’y pas de mal à
découper quelques barreaux de notre belle
prison dorée. Encore que, il faut savoir ce que l’on va mettre à la
place. D’où l’inquiétude des antis égalité des sexes, qui redoutent et imaginent le pire des
scénarios – la promotion de l’homosexualité ou l’incitation à changer de sexe -
si l’on n’oblige plus un enfant à vivre en fonction de son sexe biologique.
Les antis égalité du genre seraient bien
avisés pour calmer leur peur de voir l'excellent film autobiographique de Guillaume
Gallienne « Guillaume et les garçons, à table ! ».
Ce film autobiographique qui
vient tout juste de recevoir plusieurs Césars raconte comment un garçon très
efféminé, et élevé comme une fille, finit néanmoins par tomber amoureux d’une
fille. Son histoire vient nous dire que
c’est souvent l’expérience et le bon
moment qui finissent par nous placer sur
le chemin du développement individuel propre à soi, celui qui tient compte du sens propre à soi et qui invite au
devenir et non plus au subir. Un devenir qui inclut toujours l’intégration d’un
élément resté inconscient, et qui est bien souvent celui que
l’environnement à permis le moins de se
développer.
Chez Guillaume, un jour sa part masculine consciente, puisque c’est
un homme, lui est apparue très clairement. Pour tout un tas de raisons,
intérieures et extérieures, qui seraient
trop longues à détailler, les deux proportions ou deux puissances psychiques, soit
le pôle féminin et le pôle masculin cohabitent dans la psyché rarement pacifiquement. Jung faisait très
justement remarquer : « Chaque
individu n’est pas entièrement mâle ou femelle. Chacun d’eux est fait d’un
composé des deux éléments qui sont bien souvent en conflit constant dans la
psyché ».
Oui, je m'éloigne beaucoup du message reçu par ceux qui nous gouvernent. Mais, en attendant que les choses s’éclairent davantage dans
nos chaumières personnelles, nous devrions voir surgir de plus en plus des
symboles de l’Un, ou de l’hermaphrodite[2]
qui véhiculent l’idée d’une union entre des contraires, ici le féminin et le
masculin. Des symboles pour compenser
peut-être le vide identitaire qu’est entrain de laisser la disparition du
patriarcat.
Et surtout tant que de nouvelles réponses adaptatives humaines
(nous l’espérons !) n’auront pas été trouvées et stabilisés pour permettre
à notre corps social de plus en plus privé du modèle patriarcal de continuer à
fonctionner correctement.
Un des symboles collectifs qui représente
depuis la nuit des temps l’union du féminin et du masculin est celui du yin et du yang[3]
bien sûr. Et il me semble que ce que fait inconsciemment porter à notre attention
le courant socialiste qui nous gouverne, en prônant l’image idéale d’une
société Une et indifférenciée, balayée
de toute différenciation sexuelle, le message perçu nous évoque la confusion
initiale dit le chaos, ou cet état encore dit d'« unitude » androgyne
(l'ouroboros). Devrait lui succéder ensuite la nigredo ou « l’œuvre au
noir » de l'alchimie.
Que de chemin à parcourir encore pour notre grand
corps social !
Bonjour Isabelle,
RépondreSupprimerVous écrivez :
« Nous sommes, en fait, un homme ou bien une femme en fonction de ce qui est attendu de nous. »
Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous entendez par là. Voulez-vous dire qu’aucune disposition psychique particulière, masculine ou féminine, n’est associée à priori au sexe de naissance d’une personne humaine et donc à sa nature physique masculine ou féminine ?
Amezeg
Bonjour Amezeg,
RépondreSupprimerPour les sociologues, le genre masculin et féminin ne correspond pas vraiment à une réalité physique, mais plus à une construction sociale, c’est à dire à des règles, à des coutumes...ce que l’on nomme communément l’acquis. Pour les tenants de la théorie du genre, l’humanité est carrément arbitrairement divisée en masculin et féminin.
Mais bien sûr pas pour les psychologues qui considèrent l’inné ou les éléments masculin et féminin dans la psyché au moins tout aussi important voire que l'acquis.
Merci pour la réponse, Isabelle.
RépondreSupprimerJe me demandais, peut-être parce que ma lecture n’était pas assez perspicace ou attentive, si la psychologue que vous êtes se rangeait à l’avis des sociologues et des tenants de la théorie du genre. Ce qui m’aurait surpris.
L’homme ou la femme sont bien l’expression spécifique de modèles archétypiques" éternels", Dieu merci !
La Création a ses raisons et ses cohérences qui échappent largement au regard trop superficiel des uns ou des autres. Ce qui n’implique pas d’asservir hommes ou femmes à un patriarcat ou à un matriarcat abusifs et "contre-productifs" à l’égard de la réalisation de Soi, bien entendu !
Amezeg