11 novembre 2025

Dans la bulle du moi et du monde

 


Aux origines, le sentiment d’exister repose sur une appartenance inconsciente au grand tout. On se sent vivre parce qu’on se sent inclus dans une unité indifférenciée, semblable au bain maternel premier. Ce mode archaïque procure la paix, mais au prix de la non-différenciation. Tant que la conscience n’en émerge pas, le moi cherche à retrouver cette osmose perdue, projetant sur le monde extérieur son désir de fusion originelle — ce que Jung appelait la participation mystique. 

Mais ce mode d’être confère un sentiment d’existence illusoire. Il engendre un manque-à-être qui pousse à des adaptations de façade et empêche le développement de la capacité d’aimer Passé un certain âge, si le processus d’individuation n’advient pas en conscience la souffrance s’installe, la psyché se rétracte : le féminin intérieur, principe de lien, demeure en friche. L’autre devient le miroir de ce manque — on lui demande de réparer, de donner sens, de combler. On revendique, on exige, d’autant plus vivement que l’on pressent qu’une unité existe quelque part — dans cette bulle imaginaire du moi et du monde confondus. Mais le monde réel, l’autre, ne partage pas cette perception : on se sent seul même en présence. 

En fait, la véritable coupure n’est pas avec l’autre : elle est avec notre propre totalité, ce lieu intérieur où pourrait renaître le sentiment d’existence véritable. 

Illustration : Gaëlle Bacquet
Texte : Isabelle Basirico


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