Parce que quelque chose manquait dans la conscience occidentale.
Jung n’a pas seulement fondé une méthode : il a rencontré, dans sa propre psyché, ce que notre culture avait perdu — le Féminin intérieur et Éros.
Car tôt ou tard, quiconque entre dans la psychologie des profondeurs se heurte à ces deux forces.
Pour moi, par exemple, tout a commencé par l’image d’un féminin blessé : c’est elle qui a ouvert mon chemin.
Depuis, je n’ai cessé de chercher à traduire en mots mon expérience intérieure d’Éros et du Féminin, et à montrer comment ces forces participent intimement à la constitution du Soi.
Neumann l’a formulé ainsi :
« Le péril de l’humanité vient d’un développement unilatéralement patriarcal de la conscience, non compensé par le monde matriarcal de la psyché. »
Autrement dit : le Logos a pris toute la place, et le Féminin intérieur — Éros, imaginal, relation, contenance, symbolisation — a été laissé en friche.
Freud l’a réduit à la sexualité. Jung l’a reconnu comme une force de transformation psychique aussi indispensable que le Logos.
Sans ce principe féminin, il n’y a pas de sol interne, pas de contenant, pas de matrice pour le Soi. Et quand il n’est pas intégré, le Féminin revient sous sa forme archaïque : fusion, projections, dépendances, addictions.
Privé d’images de la Déesse (Sophia, Inanna, Isis, Marie, Sagesse biblique, etc.) notre monde ne sait plus transformer le Féminin intérieur.
Si notre culture portait davantage ces images, notre santé mentale — qui repose sur une vie psychique réellement entière, aujourd’hui érigée en “cause nationale” — ne serait sans doute pas dans un état aussi préoccupant.
La psychologie des profondeurs révèle simplement ce déséquilibre : elle cherche à restaurer la part manquante.
La psyché, elle, n’a jamais cessé d’y pousser. Jung l’appelle le Soi ; Hillman, l’âme.
Toutes les traditions le disent : le Soi naît de l’union du Masculin et du Féminin, du Soleil et de la Lune dans l’alchimie.
Sans ce mariage intérieur, il n’y a ni transformation, ni individu véritable.
Si notre culture n’avait pas tant refoulé le Féminin et Éros, la psychologie des profondeurs n’aurait peut-être jamais eu besoin de naître.
Elle est apparue pour réparer un manque — et pour rappeler à la psyché moderne ce qu’elle avait oublié.
(L’image provient du Livre Rouge, lorsque Jung entreprit sa descente dans l’inconscient — un dialogue direct avec les figures vivantes de sa psyché ; cette image montre que l’homme doit supporter la tension entre ces deux mondes. C’est parce que l’union Soleil-Lune est maintenue que “quelque chose” peut être versé. C’est l’axe de l’individuation.)
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